La Royale Dramatique Wallonne à la base du home Louis Demeuse
Notre balade-santé MPLP du novembre 2023 fait le
tour du cimetière de Rhées. Lors d’une reconnaissance je suis tombé sur ces
plaques RDW. Que peut-être cette association omniprésente (il doit y avoir au
moins dix plaques)? Deuxième énigme : l’année 1873. Or, le cimetière a ouvert en
1900 seulement.
Mon amie Emilienne Somers dont les notes manuscrites
m’ont servi pour cette balade a éclairé ma lanterne : l’année 1873 est l’année
de la fondation de la Royale Dramatique Wallonne, par le poète Jean-Guillaume
Delarge, avec 12 amis, « Les Vis Wallons », dans le but de réunir des
fonds pour un hospice. C’est un mélange de projet culturel et de projet social,
une forme de philanthropie et de bienfaisance qui remplace quelque part la
charité chrétienne écartée par la Révolution française en 1879.
Dans son rapport communal de 1861, le Collège communal
émettait le vœu d’établir à Herstal une salle-hospice destinée à recevoir les
vieillards et les infirmes.La maison de repos sera inauguré le10 août 1952,
presqu’un siècle plus tard!
En 1864, l’Administration fut en instance pour
l’acquisition, au prix de 1.072 francs la verge (4 ares 36 cent.) d’une
parcelle de prairie de 16 ares 63, située à la Chapelle Saint-Lambert. Mais le
projet n’eut pas l’heur de rallier l’opinion du commissaire d’arrondissement
qui préférait voir fonder « des lits
» dans les hospices de Liège. Néanmoins, on agita l’idée d’établir l’hospice
sans le concours des autorités supérieures, malheureusement l’esprit
d’initiative fit défaut et la question fut abandonnée. Tel est le rôle néfaste
joué par certains fonctionnaires (que domine la routine et que contrarient les
idées généreuses).
La Dramatique organise son premier concert le
9/11/1873, au 200 rue Large Voie. Guillaume Delarge est élu conseiller communal
le 29 octobre 1878, ce qui l’encourage à relancer le projet d’hospice, en dépit
des prédictions mauvaises, des rebuffades et des sarcasmes. Il est toujours
secondé par un groupe imposant de gens dévoués — dont la Société dramatique
wallonne — qui lui apportèrent un appui ferme, une aide dévouée, au grand dépit
d’autres qui lui opposaient la force d’inertie. On collecta à toute occasion ;
on recueillit des dons volontaires ; on organisa des loteries, des sorties
carnavalesques, etc., etc., et, en quelques années, on réalisa un capital assez
rondelet pour en imposer aux plus sceptiques.
À la mort de Delarge, en 1888, son ami et vieux
célibataire Louis Demeuse laisse 100.000 francs/or au Comité de l’Hospice.
L’hospice recevra son nom. Les premiers plans datent de 1889… Il faudra 10
ans pour que cet argent tombe dans la caisse suite à un problème d’usufruit.
C’est en 1898, lorsque Hubert Defawes devient président de la RDW. La rue que
j’habite porte son nom. Il a sa tombe à Rhées, dans l’allée parallèle à la
grande allée. Un embryon d’intercommunale (Herstal, Wandre, Jupille, Oupeye…)
constitue un “comité d’étude” pour un
concours d’architectes. En 1905, les plans sont exhibés à l’exposition universelle
de Liège. Mais les communes sont refroidies devant la dépense et l’État et la
Province refusent les subsides.
La Dramatique Wallonne reçoit le titre de
« royale » par Albert Ier en 1912. Mais la Première Guerre mondiale
bloque tout.
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photo Herstal à l’ancienne |
La loi du 10 mars 1925 fusionne les « Bureaux de
Bienfaisance » et Hospices Civils dans la Commission d’Assistance Publique
(CAP). Mais ce n’est qu’en mars 1936 que la CAP charge l’architecte Henri
Sauveur de rédiger de nouveaux plans. Il s’était déjà investi dans ce projet en
1932! La Commission Supérieure d’Hygiène remanie totalement ces plans et les
travaux démarrent en 1938, avec des prix qui ont triplé entre-temps! Puis,
bardaf, en septembre 1939 l’armée belge installe des batteries de DCA sur le
bâtiment. Puis, l’armée allemande et des ouvriers allemands travaillant à la FN
accapareront les lieux, suivis en 1945 par l’armée américaine. Ensuite
l’hospice sert de centre scolaire (les américains logeaient dans les écoles et
les VI et les VII en avaient abîmé d’autres).
En 1950 on lance l’adjudication des travaux de
remise en état. Le 10 août 1952 le bourgmestre Andrien peut enfin inaugurer la
maison de repos. Le buste de Jean-Guillaume Delarge trône dans le hall d’entrée: il a dû attendre trois quarts de siècle!
Qui est ce Guillaume Delarge ?
Selon Arthur Jadot, « né avec la révolution nationale, fils d’ouvrier armurier, cet
autodidacte acharné, Herstalien de pure souche, allait devenir un auteur wallon
remarquable. Delarge, poète incontesté réalisera des pièces de théâtre wallon
d’une richesse incomparable. Homme d’enseignement, homme du peuple, il
préférait la rue à la troupe et toute sa vie paraît tendue par souci
d’éducation populaire. Il tournait agréablement le vers et il excellait dans la
composition du crâmignon. C’était un improvisateur adroit et amusant. En
reconnaissance, son buste décore l’Hôtel de ville de Herstal.«
Il a commencé comme fabricant de quincaillerie
(1856) et sculpteur sur bois. Il devient instituteur intérimaire dès 1863.
Nommé définitivement en 1865, il enseignera aux écoles de Morinval, du
Thier-à-Liège et de Bonne-Nouvelle. Il était aussi instituteur
« libre », càd qu’il donnait des cours gratuits. Il conserva ces fonctions jusqu’à sa mort en
1885. Lors de son décès il habite Rue de la Fontaine, à Vottem ? Mais il a
été conseiller communal à Herstal où en 1878, il devient sous-lieutenant de la
1ère compagnie des Pompiers volontaires.
Voici quelques vers de notre « poète patoisant » :
Hélas mon cher petit, la vie est un passage
Que tu dois traverser sans en ternir le cours ;
C’est la mer en fureur où le pilote sage
Sait parfois ralentir un fragile équipage
Et sauve ainsi ses jours.
Le monde t’offrira ses plaisirs et ses charmes ;
On y voit le sourire et la joie et les pleurs ;
Mais souvent du méchant les plus funestes armes,
Celle qui, du remords, nous arrachent les larmes,
Se trouvent sous les fleurs.
(Jean
Guillaume Delarge, « Le Devoir », Poésies, Collection Littérature
Contemporaine, Vol. 12. Editions Evariste Carrance, Bordeaux, 1874)
D’une «salle hospice pour vieillards et infirmes » à l’ISoSL
La philosophie chère à Guillaume Delarge et ses amis
en 1873, basée sur un concept de charité, est révolue depuis longtemps. En 1789
la Révolution française avait déjà donnée un fameux coup de canif à la «
charité chrétienne ». L’aide sociale est mieux structurée depuis 1925 et la
création des «Commission d’Assistance Publique » CAP. Elle devient véritablement
un droit reconnu en 1976 avec le « Centre
Public d’Aide Sociale » qui se mue rapidement, dès 2002, en « Centre Public d’Action Sociale ».
À l’aube du XXIe siècle, une rumeur de rachat de la
Résidence Louis Demeuse par l’IPAL (Intercommunale des Personnes Âgées de Liège
et environs) circule. Ca sera fait par l’Intercommunale de Soins Spécialisés de
Liège ISoSL, née de la fusion, en 2008, de l’IPAL et du CHP (Centre Hospitalier
Psychiatrique de Liège).
Les charges du CPAS de Herstal se révèlent chaque année plus lourdes, avec
entre autres ce déficit créé par la résidence Louis Demeuse. Le CPAS se sépare
de cette propriété mais pas pour le secteur privé. C’est l’intercommunale de soins
spécialisés à Liège ISoSL qui reprend la gestion. Selon Frédéric Daerden, »la gestion d’un tel établissement
nécessite des compétences spécialisées et des économies d’échelle »… ce
que ne peut plus assumer le CPAS, doit-on comprendre. La reprise se fera « au bénéfice tant des résidents et de
leur famille que du personnel… mais aussi de nos finances communales ».
Plusieurs conditions sont déjà émises comme la reprise du personnel « sous statut équivalent« . Les
agents qui ne souhaiteraient pas être intégrés dans l’intercommunale seraient
également réaffectés par le CPAS. Par ailleurs, la destination publique du parc
sera garantie et ISoSL s’engage à poursuivre le dossier des travaux de
rénovation initié par le CPAS de Herstal « afin
de maintenir et même améliorer l’outil ». Pour rappel, ISoSL est active
depuis 1995 à Herstal, suite à la reprise de la résidence Le Doux Séjour (source : DH 5/11/2013).
L’ « Intercommunale de Soins Spécialisés de Liège », en abrégé « ISoSL »a trois
secteurs d’activité :
«la construction, l’acquisition et la gestion
d’établissements et de services de soins relevant du domaine de la psychiatrie,
la gestion d’établissements hospitaliers relevant de
la gériatrie, de la psychogériatrie, de la revalidation et des soins palliatifs,
la gestion d’établissements d’accueil et de services
pour personnes âgées tels que maisons de repos, maisons de repos et de soins,
centres d’accueil et de soins de jour et de nuit, résidences-services, centres
de court séjour, appartements encadrés, services d’aide au maintien à domicile»
Fin 2019, le Secteur C, c’est 11 établissements
d’hébergement et de soins pour personnes âgées avec une capacité totale de 1069
places ( 434 places de maisons de repos et 635 places de maisons de repos
et de
soins auxquels s’ajoutent 75 places d’accueil et de soins de jour et 75 logements
en résidence-services
Post Scriptum
J’ai
commencé le relevé de toutes les plaques qui honorent des membres actifs de
cette RDW en Rhees et à Foxhalle. Quelqu’un aurait-il une explication pour la
tour crénelée qui orne ces plaques?
Sources
Du bureau de bienfaisance au Centre Public d’Action
Sociale, de l’Hospice pour Vieillards à la Résidence Louis Demeuse ;
chronique très largement inspirée des périodiques du Musée Herstalien N° 162 et
164.
https://kineleclercq.files.wordpress.com/2018/08/rldemeuse.pdf
Préambule du Home Louis Demeuse, Collart-Sacré, La
libre seigneurie de Herstal >>> https://www.facebook.com/HerstalALancienne/photos/a.769482653161614/2699044743538719/?type=3
Mes blogs sur le
cimetière de Rhées :
une ville en miroir >>> https://hachhachhh.blogspot.com/2021/10/le-cimetiere-de-rhees-une-ville-en.html
Une dizaine de tombes avec des plaques RDW.
La Royale Dramatique Wallonne est à la base du home Louis Demeuse
>>> https://hachhachhh.blogspot.com/2023/10/la-royale-dramatique-wallonne-la-base.html
Voir aussi
https://hachhachhh.blogspot.com/2023/10/le-cimetiere-de-rhees-et-ses-resistants.html