Balade à la Chartreuse, à la recherche de la trame d’un parc presque bicentenaire.
![]() |
la grotte, une ‘fabrique’ de jardin |
Voici une description d’une balade avec la Maison Médicale
l’Herma, rue Natalis, dans le parc dit des Oblats, et à la Chartreuse. En mars 2017
je m’y étais déjà promené avec MPLP Herstal, mais à partir de l’autre côté, Rue
Nicolas Bernimolin.
Le Centre Liégeois du Beau-Mur
Créée il y a 30 ans, cet asbl est le berceau de La Bourrache, une entreprise de Formation par le Travail
qui vend des paniers de légumes de saison qu’elle produit, ainsi que
l’aménagement et l’entretien de jardins. Depuis 2006, un terrain d’environ 60
ares situé dans le quartier des Tawes, certifié bio, est mis gracieusement à disposition
par l’asbl Coupile, avec trois serres tunnel et un hangar. Ils y utilisent la
Kassine, un outil moderne de travail agraire par traction animale développé par
l’association française Prommata, qui permet un travail particulièrement
respectueux des sols (principe fondamental de l’agriculture biologique).
projet Vin de Liège. Il est l’initiateur du projet Permis de
Végétaliser (Incroyables Comestibles) à Liège.
La rue du Beau Mur
Nous n’irons pas jusqu’à l’école
communale au N°9-11, un bâtiment de 1893 de l’architecte Hubert Bernimolin.
Celui-ci avait déjà construit trente ans plus tôt la maison communale de Grivegnée. Juste à
côté, au N° 7, maison de style éclectique de la fin du 19e siècle – je cite
l’Inventaire du patrimoine immobilier – avec entre les baies du
rez-de-chaussée, l’enseigne « A LA / BONNE-FEMME / DE 1762 ». Cette
bonne femme a donné son nom au quartier. L’enseigne originale est conservée au
Musée de la Vie Wallonne. Notre architecte a aussi construit un hôtel, pour Aristide Cralle, qui s’était suicidé en 1885, ruiné par sa folie des
grandeurs. L’immeuble deviendra en 1900 l’Hôtel Continental. Cet hôtel, devenu Sarma par la suite, se
situait à l’îlot Saint-Michel actuel.
Parc des Oblats, parc du Casino ou glacis du fort ?
parc des Oblats. Mais ceux-ci sont arrivés beaucoup plus tard. En fait, nous
sommes dans le parc du Casino.
glacis du fort. En jargon militaire, le glacis désigne un terrain découvert, généralement aménagé en pente douce à partir des
éléments extérieurs d’un ouvrage fortifié, sur la contrescarpe. Il avait
notamment pour fonction de n’offrir aucun abri à d’éventuels agresseurs de la
place forte et de dégager le champ de vision de ses défenseurs.
![]() |
le casino photo fabrice muller |
d’une barrière de 21 forts, dont 19 en Belgique,
érigés par Wellington, le vainqueur de Napoléon, contre
un ennemi imaginaire: la France républicaine (c’est Wellington même qui avait
remis Louis XVIII sur le trône). Au
moment de sa construction, ce projet de barrière était rationnel, mais la
situation politique et militaire a évolué si vite que les 21 forts étaient
devenus inutiles au moment même de leur achèvement. Ce parc dit des Oblats dit
du casino est un des premiers éléments démilitarisés de cette ‘barrière’ que
l’on peut classer dans le top des travaux inutiles.
vite, de sorte qu’en 1837 déjà la Société du Casino peut
acquérir le terrain. Le casino aménage dans la colline
des sentiers et des allées et intègre les bastions dans son parc. Un des seuls vestiges de ce parc est la grotte. Elle n’est pas un
sanctuaire à la Vierge, mais une «fabrique de jardin» autrement dit une fausse
grotte. Subsistent aussi les pilastres de la grille d’entrée, rue Soubre, à
côté de l’église. Nous essayerons presque deux siècles plus tard à
retrouver la trame de ce parc. La nature est parfois coriace. Et peut-être
existe-t-il encore quelque part des plans.
1867. En 1883 le casino est repris par
le comte Edgard Lannoy-Clervaux qui le restauré luxueusement, mais doit arrêter
les frais suite de la concurrence d’autres salles mieux situées, au centre.
L’Eglise Glorieuse de Jésus-Christ chez les Oblats
1890 pour 60.000 Francs. Lorsque
leur congrégation est expulsée de France en 1903, comme les autres
congrégations prédicantes, ils s’installent à Grivegnée. En 1934, le diocèse de Liège, en dialogue avec
les oblats, consacre l’édifice et la paroisse sous le vocable de Saint Lambert
en nostalgie de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert. Sur cette nostalgie
voir mon blog http://hachhachhh.blogspot.be/2013/09/leonard-defrance-et-saint-lambert.html
fermée au public en 2010 pour des raisons de sécurité. En 2017, elle est vendue
à l’Eglise Glorieuse de Jésus-Christ, fondée par un pasteur congolais, qui
rassemble essentiellement des ouailles d’origine africaine. Elle est issue
d’une dissidence de l’Eglise du Réveil.
Elle s’apparente au protestantisme, mais elle n’est pas officiellement
reconnue par le synode. Cette marginalité, aux méthodes de prédication plutôt
particulières, ne semble pas poser de problème. L’opération a néanmoins
nécessité un accord de l’évêché et… de la ville. Techniquement, il s’agissait
de supprimer une paroisse, et une désaffectation suppose l’accord communal, et
même l’aval de la tutelle régionale.
Des potagers collectifs et un projet de vélodrome.
![]() |
les potagers au parc de la Chartreuse |
conduisent au plateau jadis agricole et viticole de Grivegnée.
reconquête de l’espace urbain.
300 mètres, a été initialement creusée pour un projet de vélodrome. Certains
rêvent d’y installer un plan d’eau, éventuellement ouvert à la baignade. En 2010 le fort et le parc sont reconnus comme Site de Grand Intérêt Biologique
(SGIB).
trois sentiers balisés en 2013. Les 350.000 euros ont été focalisés sur les
entrées, la restauration de la grotte et l’aménagement de la dalle jouxtant la
lande aux aubépines, avec notamment des équipements sportifs et des gradins
permettant l’organisation de petits événements.
patrimoine fortifié est un enjeu patrimonial de développement durable. «Les places fortes sont un jeu sur la
protection et l’ouverture, sur le caché et le montré. C’est un acte urbain sur
la relation au temps et à l’espace du paysage». C’est l’urbaniste Jean Nouvel qui le dit et je souscris bien
volontiers. Allons donc à la découverte du caché et montré de ce parc….
Un parc qui tourne le dos aux quartiers de Longdoz et
d’Amercoeur
et le quartier du Longdoz se tournent le dos, alors même que le Longdoz manque
cruellement d’espaces verts. On pourrait sans dépenses folles créer une
nouvelle entrée du parc donnant dans la rue Basse-Wez et étendre une trame
verte jusqu’à la rue Grétry. On pourrait «faire entrer» le parc dans le
quartier via le tissu de venelles autour de l’Impasse Magnée, sur le site de
l’ancienne desserte ferroviaire de la gare du Longdoz. Idem pour Amercoeur où l’on
pourrait donner accès au parc depuis l’hôpital du Valdor. Mais là, il faudra
peut-être un ascenseur…
La très
spectaculaire rue des Châlets
rue des Châlets, qui débouche sur l’avenue de Péville, avec un paquet de maisons de la 1ière moitié du 20e
siècle reprises à l’inventaire du patrimoine :
n°194-202 et 205-215, ensemble urbanistique; et au, N°204 encore une villa.
lotisseurs ont profité de l’aubaine. Certains ont même profité deux fois. Lors des expropriations pour la construction du fort, les habitants du hameau de Péville font monter les enchères en refusant les offres
d’indemnisation lors, avec notamment L.-J. Lambinon, notaire. Sa Maison Lambinon a survécu à
l’édification du fort hollandais, aux transformations militaires de 1939 mais
pas aux promoteurs des années 90 (Jacques
Liénard, Hameau de Péville, histoire de
la Chartreuse). Ils profitent une seconde fois en
rachetant les terrains démilitarisés et en les lotissant.
Entrée du fort et les monuments au
Génie et aux 1er et 12ième de Ligne
du fort. Le site de Cornillon a été fortifié depuis que la ville existe. C’est
géopolitique, avec le vénérable Thier de la Chartreuse fut longtemps le « Grand chemin » ou « Chemin
royal » qui passait au milieu du
fort.
une partie des frais de construction ont
été porté par les alliés, l’occupation des forts retombait sur la Belgique
indépendante fraîchement née. Six
mois après l’indépendance de la Belgique, en avril 1831, un protocole secret
fut signé à Londres par les plénipotentiaires d’Autriche, de Grande-Bretagne,
de Prusse et de Russie qui reconnaissaient
la disproportion du nombre des forteresses eu égard aux faibles ressources du
jeune Royaume. Mais les travaux de démolition prévus pour 1833 ne se font pas
pour des raisons budgétaires.
démilitarisés vers 1850, quand la jeune Belgique commençait à élaborer une nouvelle
doctrine de défense, autour d’un réduit national à Anvers.
guerre franco-allemande de 1870 sonne définitivement le glas des forts bastionnés.
Brialmont construit une ceinture des forts. La Chartreuse est déclassée comme
fort en 1891 et servit de caserne. Sa
superficie est réduite de 41 à 31 ha. La prestigieuse avenue de Péville voit le
jour et une cité de logements sociaux prend place le long de la bien nommée rue
des Fortifications.
les années 80.
![]() |
photo eduard van loo |
poterne d’entrée ‘Nihil intentatum
relinquit virtus’ (le courage ne laisse rien qu’il n’ait tenté. C’est une
phrase de Sénèque, ‘de la Bienfaisance
‘).
1er et 21e de Ligne (classé) est installé en 1932 par des amicales d’anciens.
l’indépendance belge, en 1831. En 1913, lors de la mobilisation, comme tous les
régiments de ligne d’active, ils se dédoublent.
Ils prennent part à la bataille de l’Yser. Lors de l’offensive finale en septembre 1918, le 12e de Ligne s’emparera du
STADENBERG. Les champs de bataille du 12ème de Ligne sont repris sur leur caserne en temps de paix : LIEGE,
ANVERS, DIXMUDE, YSER, MERCKEM, STADENBERG et LA LYS.
remobilisés en août 1939.
Les casernes et urbex
![]() |
photo Michel Veriter |
armé, toits plats, parements en brique orange, larges baies horizontales. Les
Cahiers de l’Urbanisme de décembre 2007 laissaient encore miroiter une reconversion. En attendant s’est ajouté une
nouvelle couche patrimoniale : ces bâtiments sont devenues un haut lieu del’urbex, remplies de grafs et de tags jusqu’au dernier étage.
part l’enseigne du » 28th General
Hospital US Army » qui remonte à l’offensive Von Rundstedt.
anciens retracent la vie quotidienne du « plouc » comme on appelait ces
soldats d’infanterie. Les cachots se trouvaient a l’entrée près du corps de
garde. Un soldat au 123ttr en 69, barman au mess sous-off et coiffeur, signale
que son nom est inscrit sur le mur du cachot à côté de Roger Claessen et Nico Dewalque. En 2015 cette légende
du Standard se retrouve de nouveau sous les verrous, à 70 ans, pour faillite
frauduleuse, faux et usage de faux et fraude à la TVA.
L’Enclos du Bastion et les tombes des
fusillés
![]() |
tourelle d’angle de la prison Saint-Léonard. Photo Philippe HAMOIR |
été aménagé l’enclos des fusillés. En 14-18 les allemands transféraient les
condamnés à mort de Saint Léonard à la Chartreuse pour y être fusillés.
se trouvait au départ sur une tourelle d’angle de la prison Saint-Léonard, en hommage à la cinquantaine de résistants du
réseau « La Dame Blanche » fusillés entre 1915 et 1918.
un relief dû à Oscar BERCHMANS, la stèle fut transférée au bastion de la
Chartreuse à la suite de la démolition de la prison en 1982.
des éléments en bronze ont été volés. Il n’y a pas que des promoteurs
immobiliers sans scrupules… Et le Monument du Fusillé a aussi été la cible
d’adeptes de paintball. Depuis, un arrêté de police interdit ces jeux
paramilitaires sur le site.
Les Chartreux
fort côté bastions pour descendre la rue de la Charité pour admirer les
beaux restes de la Chartreuse qui a donné son nom au site. En 1357, le prince-évêque
Engelbert III de La Marck offre le site aux Chartreux. Mais c’est un cadeau un
peu empoisonné : le monastère est souvent occupé militairement. Dans les
périodes de calme, les moines reviennent. Une gravure de 1738 de REMACLE LE
LOUP a comme titre : ‘plan et
élévation de la. chartreuse comme elle sera. Achevée’.
vend les biens du couvent au citoyen Lecoulteux-Canteleu qui fait démolir
l’église pour vendre les matériaux. Le préfet de l’Ourthe
lui octroie aussi en 1801 la concession de toutes les mines de la Chartreuse
pour 50 ans, une surface de 12 km2. C’est une superficie énorme pour l’époque.
Et c’est aussi la toute première concession charbonnière en Belgique.
les frères Begasse
installent leur fabrique de
couvertures dans ce qui reste du Couvent. Ils déménageront à Sclessin (les couvertures Sole Moi qui
deviennent en 2001 Nordifa).
des Petites sœurs
des pauvres accueille à la
Chartreuse de 1853 à 2003 jusqu’à
250 vieillards. Le site est vendu au
groupe immobilier Coenen qui se rend compte qu’il reste 60 petits appartements
qui se louent entre 250 et 350 euros. Willy arrange ça : en mai 2007 il
signe un arrêté d’inhabitabilité pour raison de sécurité, sur une base assez
loufoque (superficie insuffisante par rapport aux normes).
en quatre. En 2010 Vulpia y construit une maison de repos de 195 chambres. Monument Real Estate NV & Vulpia Real
Estate n’y vont pas de main morte par rapport au permis d’urbanisme. Cela ne
freine pas l’Intégrale à racheter le site.
L’Arvo restauré
fonction militaire, à l’époque de Jean de Flandre. C’est pourquoi, lors d’une
restauration récente, on y a ajouté des meurtrières. Avec les Chartreux, l’arvô acquiert une fonction
utilitaire. Les moines se retrouvaient avec des terres bien exposées sur le
coteau dont une grande partie était séparée de leurs bâtiments de ferme par
cette route encaissée qui menait de Liège à Herve. Aussi, en 1381, le
prince-évêque les autorisa à construire, à leurs dépens, un pont pour le passage du charroi et du
bétail à leurs terres.
17ième. Selon l’analyse dendrochronologique , l’arbre constituant
l’entrée a été abattu entre 1594 et 1604, celui formant le linteau a été coupé
après 1656 (source :
Laboratoire de dendrochronologie de l’université de Liège).
pionniers ont joué un grand rôle dans la sauvegarde du site. Ils ont voulu
créer une Fondation Chartreuse-Oblats, avec des partenaires privés et publics,
qui auraient acquis le site. S’ils n’ont pas atteint le but initial, ils ont
réussi à acquérir l’arvô et a le restaurer.
Mes autres blogs sur la Chartreuse
militaire plus dans mon blog http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-son-patrimoine_23.html
![]() |
photo Guilleaume Mora-Dieu Green Window |