Monument 14-18 Rhées Herstal
Médecine pour le Peuple Herstal participe aux
journées du patrimoine, le 13 et 14 septembre, avec une balade sur Rhées, le fort de Pontisse et la bataille de Liège.
Voici une petite reconstruction d’une petite
bataille tout au début de la guerre 14-18. Il y a sur cette bataille plusieurs
témoignages qui ne sont pas toujours cohérents entre eux. J’en ai fait une
synthèse personnelle qui suscitera sûrement des polémiques. Le point clé est
l’arrivée des allemands, au matin de 6 août, devant le QG belge à Saint
Léonard. Cette attaque surprise a amené le QG belge à dégarnir les intervalles
entre les forts. Que ces allemands soient arrivés par Herstal (ce que je juge
peu probable) ou par Sainte Walburge via Liers est finalement un détail. Pour
simplifier le récit, j’ai omis la plupart des références aux unités militaires
impliquées. Il y a les allemands et les belges. Ce qu’il ne faut pas traduire
par les bons et les mauvais…

Résumé

Stèle allemand Rhées
La bataille de Rhées, la nuit du 5 au 6 août
1914, s’est terminée sur une victoire belge. Mais elle a fait basculer la
bataille pour les forts de Liège. Le hasard fait que des soldats allemands,
chassés du fort de Liers, descendent sur Liège et  arrivent devant le QG du général Leman, au
quartier de Saint Léonard. Cette attaque-surprise amène Leman à renvoyer toutes
les troupes qui devaient protéger les intervalles entre les forts vers l’armée
belge qui se trouvait sur la Gette, à deux jours de marche de Liège. Suite à
ça, les allemands étaient maîtres des intervalles entre les forts et avaient l’embarras
du choix pour installer leurs canons.
Les douze forts isolés sont bombardés par des obus de 420 mm.
Le sacrifice des
défenseurs des forts ne ralentira pas susceptiblement la ruée des armées
allemandes sur la Marne. Cette guerre était impérialiste
de tous côtés, y compris de la part de la petite Belgique ‘neutre’. La
‘courageuse’ défense belge à Liège et sur l’Yser est pour le gouvernement belge
avant tout un prétexte pour réclamer sa part du butin à la fin de la guerre. Le
sort des ‘alliés’ français était subordonné à ce but stratégique. En 1918 la
Belgique revendiquera le Limbourg hollandais, or que la Hollande avait
acceuilli des centaines de milliers de refugiés belges. Et au moment de la
bataille pour Liège, la Belgique a participé à la ‘ceuillette’ des territoires
allemands dans les colonies. Dès le 5 août, les troupes belges du Congo se
joignaient aux troupes françaises pour attaquer un poste frontière de la
colonie allemande Cameroun sur le fleuve Congo. Mais regardons un peu de plus
près comment cette petite bataille de Rhées cadre dans ces objectifs généraux…

La bataille de Rhées : décisive pour la bataille de
Liège

Tombes allemands rhées
Le 28 juillet 1914 l’Autriche déclare la
guerre à la Serbie. La mobilisation belge commence seulement le 1er août. Le lendemain,
le Conseil des ministres belge rejette l’ultimatum allemand. 
On essaye de remédier en dernière minute un
des points faibles de la Position Fortifiée de Liège : les intervalles
entre les forts étaient mal défendues. Pour défendre les 5 km entre Pontisse et
Liers, les hommes du génie creusèrent dès le 1 août plusieurs retranchements et
redoutes sillonnant la campagne de Rhées et de Milmort. Dès le 2 août un
renfort de 400 armuriers de la FN et 900 mineurs des charbonnages sont
réquisitionnés un dimanche à 5 heures du matin. A Vottem, les mineurs
récalcitrants refusèrent et on dut les menacer militairement. Le lundi 3 août
sur ordre de Leman les ouvriers des ateliers et usines importantes de Herstal
rejoignirent les 1300 hommes déjà engagés dans les travaux de fortification.
Leman avait décidé de créer un périmètre
neutre d’un rayon de 600 mètres. Après l’invasion du Luxembourg le 2 août tous
les habitants concernés furent invités par sommation militaire à quitter à la
hâte leur habitation. A Pontisse, à Liers, à Boncelles surtout ce furent des
moments dramatiques. Tout ce qui pouvait constituer un obstacle au champ de tir
fut d’abord incendié puis dynamité par le Génie. On détruisit ainsi des
centaines de demeures particulières. Le gouvernement avait laissé tomber depuis
longtemps la loi sur les servitudes militaires, la quelle défendait toute
habitation à proximité des forts (
(Musée
Herstalien mai-juin 2007 N° 137)
.

Le 4 août, six brigades d’infanterie détachées des 1re, 2e et 3e armées,
soutenues chacune par deux batteries de mortiers de 210 mm et tout le 2e
corps de cavalerie, sont regroupées sur le front à Aix-la-Chapelle, Eupen et
Malmedy. La cavalerie franchit la frontière. Le 5, l’infanterie d’assaut allemande
se met en place. La nuit du 5 au 6 août, le 89ème
grenadiers allemand contourne le fort de Pontisse et débouche au cimetière de
Rhées au milieu d’un bataillon du 11ème de ligne belge qui
bivouaquait en dehors du cimetière, en plein champ. Les soldats belges s’encourent vers le cimetière ou vers les deux petits
terrils qui se trouvent au sud-ouest de celui-ci. Les feldgrauen occupent le
hameau de Rhées.

ferme Rousseau Rhées

Des soldats belges endormis dans la grange de la ferme
Rousseau sont tués ainsi que des civils. Le soldat de 2ème classe et ancien de
l’Athénée royal de Liège  DUMONT Paul Hubert Emile du 12ème de Ligne y fut assassiné,tandis que, désarmé par l’ennemi, il prodiguait des soins à ses compagnons
blessés
’. Les allemands
sont maîtres de toute la plaine. Ils descendent sur Herstal où ils espèrent effectuer
la jonction avec le 90ème fusiliers. Le 12ème de ligne belge
s’est retranché dans les maisons en bas de Herstal. Les colonnes allemandes
sont reçues avec un feu nourri et se retirent sur Rhées.

Des bataillons allemands s’étaient approchés aussi
du fort de Liers via un chemin creux. Mais le fort finit par les apercevoir
grâce à son phare puissant. Les obus du fort sèment le désarroi. Deux
compagnies se

Bataille Rhées photo médecins de la
grande guerre

retrouvent à Vottem où un feu nourri accueille son avant-garde.
Ce qui subsiste de ces deux compagnies reflue vers Rocourt dans une carrière.
Après une escarmouche meurtière les chasseurs allemands rejoignent Lixhe. 

La petite bataille de Vottem est évoquée à Ypres, au musée « In Flanders Fields ». Au cimetière de Herstal aussi un stèle derrière le
monument aux morts belges commémore les soldats allemands.
Jusqu’ici la bataille de Rhées et de Vottem ne
se distinguent pas des dizaines d’escarmouches qui ont marqué la bataille de
Liège. Mais l’assaut du fort de Liers se conclut sur un fait divers qui va être
décisif pour la bataille des forts. Une compagnie refoulée à Liers descend sur
Liège et arrive par la rue Saint-Léonard dans la rue Ste-Foi où se trouve leQ.-G. du lieutenant-général LEMAN, commandant la

le général Leman

Position Fortifiée de Liège (cette
maison fut détruite en 1972 pour l’agrandissement de l’Athénée). Des civils les
acclamaient, croyant qu’ils étaient des Anglais. L’état-major belge crut avoir
affaire avec de parlementaires. L’escouade allemande fit feu et tue le
commandant MARCHAND (la rue où se situait le Q.G.  a reçu son nom). Le petit détachement
allemand est finalement chassé et rejoint la plaine de Rhées,
où, à l’aube, les forts de Pontisse et de Liers bombardent les troupes
allemandes qui se retirent à Hermée où ils massacrent des civils en pillant les
maisons. A Mouland, Berneau et Warsage aussi 33 habitants sont massacrés

La  32ème
de ligne belge effectua une sortie et fit prisonnier 260 hommes dont le
lieutenant comte von Moltke, petit-neveu du célèbre maréchal !

L’attaque-surprise sur le QG fait basculer la bataille de
Liège

Rhées est donc repris. Mais cette attaque-surprise
amène Leman à se retirer au fort de Loncin et de renvoyer toutes les troupes
qui devaient protéger les intervalles entre les forts vers l’armée belge qui se
trouvait sur la Gette, à deux jours de marche de Liège. La 1e division se
trouvait à Diest et Tirlemont, la 5e division à Perwez, la 2e division à
Louvain et la 6e division à Wavre. Certains parlent de la ligne de
défense sur la Gette; d’autres d’une ligne d’attente. En fait, il n’y
avait aucune fortification sur cette ‘ligne’.
A Liège, les allemands avaient l’embarras du
choix pour l’endroit où ils allaient installer leurs canons.
Les douze forts isolés refusent de se rendre mais
sont bombardés par des obus de 210, puis de 305 et 420 mm, comme au stand de tir
à la foire. Les forts se rendent les uns après les autres du 8 au 16 août. Le 15 août, un obus de 420 mm éclate dans le magasin à poudres du fort
de Loncin. L’explosion tue 350 défenseurs. Leman y est retrouvé presque mourant
par les Allemands.
Le fort de Pontisse est fortement ébranlé
aussi. Lors des rares visites on peut voir des pans entiers des plafonds qui
sont tombés. Cela s’explique aussi du fait que le béton n’était pas armé,
contrairement aux fortifications construites par les français. En 1930 on
construira un nouveau fort au dessus de l’ancien. C
onformément au plan allemand, la ville, sa
citadelle et la plupart de ses ponts sont pris. Pendant ce temps, la 1re et la
2e armée allemandes passent la Meuse, et se déployent de Hasselt à Huy.

Un fait divers qui
illustre encore l’impréparation totale de l’armée belge: dès le 2 août l’état major de la 3° division réquisitionna dans toute la
région les bœufs, vaches, veaux, céréales etc. pour la réserve des denrées
consommables de la Place Forte. On décide de ramener les bêtes sur pied dans la
vallée, au champ de Manœuvres à Bressoux, sur l’île Monsin, au Jonckay, bref
des terres sans herbages, laissées à l’abandon le plus flagrant. L’abbé Crèvecœur
entend mugir les pauvres bêtes jusque Vottem. Le 4 septembre le bourgmestre Herstalien
Michel Duchatto lance par voie d’affiches un appel au secours à la population,
l’incitant à apporter des déchets ménagers, épluchures etc. Après l’entrée des
allemands une partie du bétail fut abattue au profit du ravitaillement de la
population. Lorsqu’une Kommandantur s’installa à Liège, elle affirma que ce
cheptel était considéré comme butin de guerre et elle exigea de Herstal la
contre-valeur des animaux en argent liquide. Cette réserve formidable de viande
tomba en grande partie aux mains des troupes allemandes et nourrira les armées
allemandes dès le 4 septembre sur la Marne
(Musée Herstalien mai-juin 2007 N° 137).

Le plan Ryckel.

En renvoyant sur la
Gette ses troupes censées protéger les intervalles entre les forts, Leman ne
faisait qu’appliquer le plan Ryckel défini par l’armée belge. http://www.ars-moriendi.be/de_ryckel%20fr.htm

Appliquer est un
grand mot, puisque ce plan n’était qu’une feuille de vigne qui devait cacher la
nudité des plans de défense belges. En 1909 le lieutenant-colonel de Ryckel
publie en son nom un ‘Mémoire sur la
défense de la Belgique’
. Ce mémoire attire l’attention de Jungbluth, ancien
précepteur et aide de camp du prince Albert, et du capitaine Galet, qui sera
nommé en 1912 officier d’ordonnance du Roi, en fait, sans en avoir le titre,
son conseiller militaire (nous reviendrons dans un autre blog sur les Mémoires
très intéressantes de Galet).

Déjà  dans sa conception même, le plan Ryckel ne
pesait pas très lourd. Il consistait en la concentration du gros de l’armée de
campagne (les quatre divisions que l’on retrouvera sur la Gette en août 1914)
sur la rive gauche de la Meuse, face à Liège ; 
une cinquième division, maintenue rive droite, servant de soutien aux
forts de la place et une sixième faisant de même pour Namur. Ce plan était déjà
très discutable. Le grand Clausewitz disait déjà : « si l’assaillant, sans se soucier de la force
armée défensive qui l’attend, fait avancer sa force principale sur une autre
voie, tout en poursuivant son objectif, il déborde la position. S’il parvient à
le faire impunément, et s’il réalise ce débordement, il nous oblige à quitter
instantanément la position, devenue inutile
 »
(De la guerre, éd. Minuit, p460).

La Grosse Bertha

A ces faiblesses de conception s’ajoutaient
des faiblesses matérielles. L
‘armée
allemande était bien informée sur l’armement des forts de Liège car Krupp était
sous contrat pour remplacer les canons (jamais livrés). Les forts construits en
1886 étaient dépassés : béton non armée ; les entrées des forts
étaient très vulnérables pour une attaque par derrière… En plus, il y avait une
trouée énorme à Visé. C’est par là d’ailleurs que les allemands déborderont les
forts en 1914.

Ces faiblesses stratégiques
du plan Ryckel ne dérangeaient nullement Albert et le gouvernement qui avaient
une autre stratégie qu’ils ne pouvaient pas avouer: le repli sur le
« réduit national » à
Anvers ; repli qui laissait la France, garant de la neutralité belge, à la
merci d’une percée à travers la Belgique.
Les autorités belges
font donc semblant d’exécuter le plan Ryckel. En décembre 1913, Ryckel est

Von Schlieffen et son plan

réintroduit à l’Etat-major de l’armée en tant que sous-chef, chargé expressément
des plans de défense. Nos gouvernants étaient un peu pingres: ils auraient pu
lui donner un titre un peu plus ronflant que celui de sous-chef. Toujours est-il
que le subterfuge marche bien: on maintient la fiction d’une position bien
défendue. Jusqu’à l’ultimatum autrichien à la Serbie du 23 juillet 1914, où l’on
découvre’ la non exécution du plan.
Ryckel, offensé par une certaine indifférence, avait arrêté les études et
renvoyé ses collaborateurs.

Le 28 juillet, avec
la déclaration de guerre de l’Autriche à la Serbie, la Belgique se rabat sur un
plan Ryckel ‘allégé’, et demandent le  transport par voie ferrée du gros de l’armée
sur la rive gauche de la Meuse. Mais les chemins de fer belges se déclarent
incapables de réaliser en quelques jours ce que l’Etat-major n’avait pu faire
en sept mois.
Ryckel proposa
alors une nouvelle variante : le gros de l’armée (soit les 1re, 2e, 5e et
6e divisions), au lieu d’être rassemblé dans la région de Liège, le serait
(faute de moyens) dans le quadrilatère Louvain-Tirlemont-Perwez-Wavre, d’où, si
possible, il gagnerait la Meuse à pied, en deux ou trois étapes. C’est là, sur
la Gette, que le gros de l’armée belge se retrouvera encore le 6 août, deuxième
jour de la bataille de Liège. Mais la fiction est maintenu et personne n’a
encore dit que le Roi est nu : théoriquement, pendant deux ou trois jours,
la 3e division et les forts, laissés à eux-mêmes, devraient être
capables de résister seuls à un coup de main allemand.
Le Roi fit encore grand
éloge du plan ersatz, le 2 août au soir, lors du Conseil où fut rejeté
l’ultimatum allemand.

Dans la nuit du 5
août, l’idée fut mise à l’épreuve des faits. Expérience cruciale et brève. Dès
le lendemain, la 3e division, censée protéger les intervalles entre les forts, est
renvoyée sur la Gette par Leman; le 7, les Allemands campaient à Liège. Le plan
ersatz s’était effondré au premier choc.

Ryckel, en plein
accord avec Galet et le Roi, laissa le gros de l’armée sans bouger dans le
quadrilatère Louvain-Tirlemont-Perwez-Wavre.
Le 18 août, l’armée
allemande tout entière (et non comme les 4 et 5 août, une petite fraction de
celle-ci) se met en branle, sa concentration achevée. Ryckel préconisait depuis
plusieurs jours un repli sur Anvers, auquel le Roi consent évidemment. En fait,
ce plan Ryckel a très bien masqué l’autre plan, le vrai, qui consistait à se
retirer avec le moins de pertes possibles dans le Réduit National à Anvers. Pour
apaiser les Français, le Roi promet, dès que possible, une attaque de flanc.
L’attaque, exécutée les 25 et 26 août, échoua comme prévu, avec des pertes
sensibles. Un vide énorme se creuse entre elle et l’armée belge,

bloquée à
Anvers; les Allemands s’emparent le 4 septembre de Termonde, endroit
stratégique sur la ligne qui mène à la mer, sans pousser plus loin leur
avantage. Les  belges ne se montrent pas
très actif non plus et les allemands peuvent envoyer leur première et deuxième armée
sur la Marne, en laissant juste une petite couverture sur leur flanc exposé. Le
nom de ces divisions de couverture est éloquent : la 1ère et 4ième
 Ersatz division, une Matrosendivision et
les 26ième  et 37ième  Landwehrbrigades.

Ce n’est qu’après
l’enlisement sur la Marne que les allemands se tournent vers Anvers où il
suffit de quelques coups de Grosse Bertha pour faire capituler les forts. L’armée
de campagne belge se retire sur l’Yser, laissant derrière elle 30.000 soldats
de forteresse, dont une bonne partie rejoint la Hollande…Pour maintenir la
fiction d’une défense belge courageuse on les déclare après-guerre déserteur…
Ca fait un beau troupeau de boucs émissaires, mais De Ryckel est le premier: il
est limogé. On l’envoie le 14 septembre représenter l’armée belge auprès du
grand quartier général russe. 

En 1915 la Belgique avait formé l’un des premiers corps
de voitures blindées,
  l’ ACM – les
Autos-Canons-Mitrailleuses. Le roi Albert I donne ce corps d’élite au tsar de
Russie. Quatre cents volontaires de guerre belges partent pour le front russe,
dont Julien Lahaut. Le général de Ryckel en reçoit le commandement. Probablement à cause
de lui les ACM avaient la réputation d’un gang indiscipliné, de fauteurs de
troubles influencés par les bolcheviks.

Par contre, les rapports de Ryckel sont beaucoup plus cordiaux avec les
sociaux-démocrates Vandervelde, de Brouckère et De Man, chargés de maintenir la
Russie dans la guerre en 1917. Très prévenant, il dactylographiait leurs discours et
leur servait quasiment de secrétaire. «Nous
ressentions pour lui, écrit Vandervelde, une sympathie croissante
».
Lors du retour de
Ryckel en octobre 1918, on le nomma commandant de la Côte, puis gouverneur
militaire de la Flandre Occidentale. En juin 1919 il demanda son admission à la
pension. Ses mémoires  – bourrés de
documents inédits et débordants de reproches – sont qualifiées de pamphlet. La
publication en 1931 des souvenirs de Galet ramena l’attention sur Ryckel. Je
reviendrai là-dessus dans un autre blog.
En renvoyant les troupes qui étaient censés
protéger les intervalles entre les forts (en quelque sorte le plan Ryckel à
l’envers), Leman avait donc appliqué fidèlement la stratégie du Réduit
National. En fait, les soldats qui tenaient les forts ont été sacrifiés. Ils
n’avaient aucune chance.

La bataille de Liège : un double mythe

Mais malgré cet échec militaire belge, la
bataille de Liège est devenue un mythe.

Un mythe pour les alliés qui trouvaient dans
la défense courageuse des belges contre la violation de leur neutralité une
belle justification pour leur entrée en guerre. Le mythe de la bataille de
Liège leur a permis de cacher le caractère impérialiste de cette guerre.
Le gouvernement belge aussi a instrumentalisé
le sacrifice des défenseurs des forts: il fallait prouver que la Belgique
a tout fait pour aider ses alliés, et plus particulièrement les français, qui
ont dû amener en taxi les renforts sur le front de la Marne. Ni la  défense de Liège, ni la défense du réduit
national d’Anvers n’avaient ralenti notablement les armées allemandes. Or
qu’une attaque sur les flancs provenant de Liège ou d’Anvers était le talon
d’Achille du plan Von Schlieffen.
Campagne Tabora Afrique de l’Est – photo wikipedia

Par contre, au moment même où la position des
forts de Liège était abandonnée, dans les premiers jours de la guerre, les
troupes belges du Congo se joignaient aux troupes françaises pour attaquer
Bonga, poste frontière de la colonie allemande Cameroun. En 1916 l’armée de la
colonie se joindra aux anglais pour conquérir l’Est Africain
(Robert Galic, Les colonies et les coloniaux
dans la grande guerre, l’Harmattan, p 25)
. La campagne
africaine de Tabora a coûté plus de morts que les 4 années sur l’Yser !
Des morts congolais évidemment. La ‘courageuse’ défense belge est avant tout un
prétexte pour réclamer à la fin de la guerre sa part du butin, en Afrique mais
aussi envers la Hollande à qui la Belgique reproche sa neutralité pour revendiquer
le Limbourg hollandais. Il faut le faire : la Hollande avait logé et
nourri des centaines de milliers de refugiés belges. Il faut dire qu’une fois
signé l’armistice, les revendications belges furent vite balayées de la table
des négociations de Versailles. La Belgique doit se contenter du Ruanda et du
Burundi.

Le Mémorial ‘interallié’ de Cointe et le mythe de la bataille
de Liège.

Le Mémorial en 1937 – photo warzee

Le caractère mythique de la bataille de Liège est
manifeste aussi dans le Mémorial ‘interallié’ de Cointe. La plupart des sitesofficiels présentent ce mémorial comme 
le choix en 1925 par la Fédération Internationale des Anciens Combattants. C’est
déjà une falsification historique. Il s’agit du FIDAC, la Fédération Interalliée
des Anciens Combattants. La FIDAC excluait les anciens combattants de l’axe.
Face au FIDAC il y avait le CIAMAC, proche de la social démocratie ILO et des
Nations Unies. La Fidac était l’aile droite des anciens combattants, qui se
retrouvent en 1937 avec Hitler à Berlin pour vanter le pacifisme des nazis. La
branche américaine fournira un point d’appui pour Mac Carthy.

photo global view

Toujours est-il que
selon le Clahm la
création du Mémorial interallié ne s’est pas décidé au FIDAC, mais avait été décidée à Liège en 1922. Ca vaut la peine d’analyser quelles
forces politiques y étaient impliquées. Ce qui est clair pour moi, c’est que
l’Eglise y était fortement engagée. Au départ l’emplacement avait été  fixé au confluent de la Meuse et de l’Ourthe.
Peu de temps après, un comité se constitua pour la fondation d’une grande
église à Cointe. Une ‘entente profitable
permit de concilier les deux buts, par l’érection simultanée de deux monuments,
un Mémorial interallié et une Basilique’
. Cette entente profitable aboutit
encore à la construction d’une ‘basilique’ jumelle sur le site envisagé au
départ : l’église de Saint Vincent. Je n’ai pas retrouvé des infos sur qui
était au juste le maître d’œuvre de ce Mémorial. Si je comprends bien, l’apport
des nations alliées se limite à quelques oeuvres d’art offertes. Dont un Monument espagnol. Pourtant, l’Espagne n’était pas en guerre en
1914-1918.  C’est la Belgique qui l’a fait ériger en hommage au soutien
« logistique » apporté par ce
pays.

Cette ‘entente profitable’ autour d’un Mémorial
qui mélange du civil et religieux mérite une investigation plus poussée… L’église
est dédiée au Sacré Cœur, ce qui m’incite à l’associer à Koekelberg. Mais elle abrite
aussi une statue de saint Mort, un saint qui convient bien au carnage qu’elle
est censée commémorer…
La basilique touchée par les V1

En 1945 le
site est durement touché par les V1. Ce qui a poussé Baudouin Ier de procéder à une seconde
inauguration en 1968.

Le mythe de la bataille de Liège s’effrite encore un peu plus avec les commémorations de 2014. Le monument interallié à Cointe drainera en matinée la
grande foule des chefs d’Etat qui n’auront guère le temps de s’appesantir sur
l’hommage rendu à la résistance à l’invasion. Car dès l’après-midi, cap sur
Mons et le cimetière de Saint-Symphorien pour un hommage aux soldats anglais.
Le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté y tient absolument : c’est là qu’est
tombé le premier soldat britannique, le 23 août 1914. « Les Ansois
reconnaissants » et « le Front de Sauvegarde du Fort de Loncin » dénoncent « cette expression d’un mépris à l’égard des
militaires belges tombés à la bataille de Liège. » Ils ont fait savoir leur «
étonnement, leur consternation, leur incompréhension
» à Di Rupo. Pas sûr
qu’ils aient frappé à la bonne porte : ils sont toujours sans nouvelles du
bourgmestre empêché de… Mons.

« In Flanders Fields » : Vottem échappe aux
représailles allemandes

Une petite explication supplémentaire sur cette
escarmouche à Vottem, déjà mentionnée plus haut. Vottem est nommément cité http://hachhachhh.blogspot.be/2014/04/vottem-une-place-dhonneur-au-musee-in.html
dans le musée « In Flanders Fields ». Après s’être battues dans le
village, les troupes allemandes et belges se replient, les morts et blessés
sont abandonnés sur place.
Vottem mérite sa place à Flanders Fields, et
mériterait aussi plus de place dans la mémoire collective de Herstal ! Lors
du Conseil du 31 janvier 2013, Johan Vandepaer a proposé d’ associer les écoles
aux visites qui sont planifiées au musée « In Flanders Fields ». J’ai
vu un appel pour un voyage (gratuit) à Verdun, mais pour Ypres je reste sur ma
faim. 
In Flanders field – photo Nieuwsblad
En 2004, à la demande du Flanders Field Museum, le compositeur Liégeois,
Stéphane Houben a  composé « Vottem requiem »
Ce Vottem requiem mériterait d’être joué un
jour à Vottem même. Et quand, si ça ne se fait pas en 2014 ?  

Vottem a échappé aux représailles. Mais cela
ne peut évidemment pas nous faire oublier que la guerre 1914-1918 était le
première (et malheureusement pas la dernière) guerre totale, non seulement
géographiquement, mais aussi par son implication des populations civiles, avec les
représailles contre les populations civiles, sur toute la route Charlemagne,
parcourue de la Maison Blanche à Henri-Chapelle (à l’époque poste frontière) et
Liège. La Via Charlemagne, c’est ça aussi ! 

Voir aussi mes autres blogs:

balade vers le cimetière  de Rhées et Pontisse
Vue de la ville depuis le sommet du Mémorial
interallié