Notre 66ième balade-santé MPLP de
dimanche 5 juin 2022 fera  le tour du
charbonnage du Hasard à Cheratte, avec sa cité, son château, sa belle fleur et
un gros projet immobilier sur la paire et la paire au bois. La balade sera aussi très verte et sportive, avec la montée
vers la Belle Fleur. Rv à 10h Place Jean Donnay à Cheratte (ou à
9h30 devant MPLP Herstal avenue Ferrer 26). Il y a un arrêt de la ligne 6 sur la place J.
Donnay. La balade est gratuite et ouverte à tous.

Suppression passages à niveau : il était temps !

Nous rejoignons la cité par un passage sous
voie (encore en chantier). De l’autre côté de la cité aussi un chantier est en
cours.  Infrabel investit depuis des
années dans la suppression des passages à niveau, sources d’accidents. Les deux
passages à niveau de Cheratte étaient dans le top, avec la cité coupée
complètement du centre de Cheratte par le chemin de fer. Le 10 décembre 2021 encore
un train a percuté une voiture qui se trouvait sur les voies de chemin de fer.
Un témoin l’a même filmé. La vidéo a été reprise très largement : « une
dame a bloqué sa voiture. On a voulu essayer de l’aider, mais on n’a pas eu le
temps. La dame était sortie de la voiture quand le train est arrivé. 37
voyageurs se trouvaient dans le train. Personne n’a été blessé ».

Deux mois avant, le  22 Octobre 2021, Alessio, un enfant de 10
ans, avait été frôlé par un train alors qu’il était à trottinette.
Heureusement, il s’en est tiré avec quelques égratinures et une grosse peur.

Le 2 septembre 2015 un train a percuté une
voiture. Le conducteur de la voiture accidentée a été blessé. Et Cheratte avait
aussi ses trespassers (mélange de traverseurs en français, et d’« intrus » en
anglais): des gens qui se trouvent à un moment donné à pied sur les rails, au
milieu des voies, et qui provoquent un accident. Comme cette mère de famille
tenant un de ses enfants par la main et poussant une poussette avec un bébé de
l’autre,arrêtée au milieu des voies, toujours en 2015. Une étude
menée auprès de mille personnes prises en flagrant délit a montré qu’elles
invoquaient la recherche d’un itinéraire plus court dans 45 % des cas, une
simple promenade dans 18 % et un « jeu » dans 16 %.  Et il y a aussi des suicides, qui sont
rerament enregistrés en tant que tel.

Et une nouvelle gare ?

Infrabel n’a peut-être pas encore fini. Le
promoteur immobilier Matexi table sur
une nouvelle gare à Cheratte, avec un P+R. Cette gare
est reprise dans le plan Urbain de Mobilité de l’agglomération. Liège Métropole. En 2018 la Conférence des
Bourgmestres de l’Agglomération a demandé l’ouverture d’un arrêt à moyen terme à
Cheratte.
La SNCB a informé le Ministre de la Mobilité que « que les études
qu’elle a menées récemment tendent à montrer un réel intérêt ».
Mais
il faut savoir qu’Infrabel ne dit jamais non. Il faut toujours regarder la date
de réalisation, si date il y a. Cette gare viendrait du côté de la paire au
bois. Et si la gare est pour Infrabel, c’est  la Ville de Visé qui réalisera et payera le
P+R. Et en cas de non-inscription dans le plan 2023-2026 de la SNCB Matexi
pourra postposer  les travaux patrimoniaux
à la phase 5 (2028 !) et adapter le tableau de cautionnement.

La Cité-jardin de Cheratte

Avec les reconstructions après la première
guerre tous les charbonnages de Wallonie connaissent un problème de main
d’œuvre. Pour les attirer, la Société du Hasard fit construire en 1925 une citéde 200 maisons pour y établir “une
colonie d’ouvriers polonais de même type que celle qui s’établissait à Hautrage
dans le bassin de Mon
s “.  Dans les
années 30 la cité a même une école polonaise. C’était l’époque des cités
jardins.

place Ataturk photo MI préalle

Un livre de R. Unwin, ‘Town Planning in
practice’
sert de base à un congrès de l’International Federation pour Town
and Country planning and Garden Cities, en 1924.  La Cité des fleurs de Cheratte ressemble donc
plus aux cités minières anglaises plutôt qu’aux corons du Nord.

Le charbonnage gérait la cité: le loyer était
décompté du salaire ou faisait partie du contrat de travail. On demandait aux
habitants  une bonne gestion de la maison
et des jardins à fleurs sur la façade et à légumes à l’arrière. Ou sinon, des
amendes étaient retirées du salaire. Le Charbonnage du Hasard écrit par exemple
le 6 juin 1969 à ORTIZ SARACHAGA Domingo, un ouvrier espagnol:  «
Nous constatons que vous avez peint en vert la porte de l’immeuble que vous
occupez à Cheratte, avenue de Visé, 26.  
L’article 3 du règlement d’occupation vous interdit d’apporter à nos
maisons une modification quelconque sans autorisation écrite de la Direction.
Vous voudrez bien, dans le plus bref délai repeindre la porte en bleu comme
elle l’était auparavant».

La cité était un lieu “privé“ où l’accès à
toute personne étrangère au charbonnage était soumis à autorisation et contrôlé
par des gardes.  On refusait l’accès aux
vendeurs ambulants qui vendaient à crédit ainsi qu’aux démarcheurs-recruteurs
d’autres charbonnages. Au phalanstère ou à l’hôtellerie (84 ouvriers “célibataires“,
un franc par jour) l’accès aux dortoirs étaient interdit à toute personne non
inscrite comme logeur. 

La cité ne suffisait pas pour loger les
mineurs. La houillère monte des baraques ‘provisoires’. Elles serviront plus
longtemps que prévu. En 1928 d’autres « baraques » sont installées à Cheratte
haut, près de la Belle Fleur. On utilisera aussi les baraques ayant servi de
camps de prisonniers pour les captifs russes puis allemands.  

Un grand absent dans le projet immobilier: le logement social

Lors de la fermeture en 1977, la régionale
visétoise d’habitations sociales reprit la gestion, restaura quelques maisons
et reconstruisit d’autres.  Le bureau Altiplan° Architects, qui travaille pour Matexi,
prétend « faire écho à ce qui a été réalisé dans le passé ». Peut-être,
mais certainement pas à la Cité Jardin ! Le logement social est absent
dans le projet immobilier. Le promoteur Matexi répond qu’il fera tous types de
logements (large gamme d’habitations entre 110 et 190 m², appartements)
accessibles à qui veut. Les logements de Matexi sont à vendre. Donc ce n’est
pas pour les locataires. Fondamentalement, le projet vise des gens ‘à haute
valeur contributive’, ce qui intéresse les bourgmestres. C’est ce qu’on appelle
‘la gentrification’. Certes,  Visé a une
part de logements publics supérieure à la moyenne de l’agglomération, mais cette
part diminue. En dix ans, de  2008 à
2018, Visé est descendu de 15,68 % à 14,43 % de logements publics. Et je vous
invite à faire très attention aux termes utilisés : depuis pas mal
d’années les instances parlent de logement public, qui reprend non seulement
des logements à prix d’équilibre, càd au prix du marché, mais aussi tous les
logements publics vendus au privé depuis 
dix ans.

La Darse

Au départ la darse a été creusée par le
chantier naval du Lloyd Mosan en 1920. La superbe maison en style éclectique
sur la place J. Donnay qui loge aujourd’hui la justice de paix a été construit
par son directeur M. Noblesse-Buschgens. Après 1930, le Chantier fut repris par
la S.A. des Bateaux Belges qui exploitait les bateaux-mouches.

Puis, le charbonnage y a chargé l’anthracite
dans les soutes des péniches. Un endroit du canal était plus large pour les
manoeuvres des péniches qui devaient repartir vers la Meuse. Cette darse est
maintenant un paradis pour les passionnés de pêche, et pour les habitants pour
qui une belle balade a été aménagée.

La darse est une Zone
d’Aménagement Communal Concertée (ZACC) et ça commence à bouger de ce côté-là.
On est en train de rehausser de 5 mètres l’ancienne gravière où l’on a stocké
temporairement les déchets inondations.  
En  1956, le Plan Particulier d’Aménagement n°2
de Wandre définit une affectation générale principalement orientée vers
l’activité économique. Liège et l’AIDE conditionnent l’urbanisation de cette
zone vierge à la réalisation préalable d’un remblai permettant aux eaux de
pluie de s’écouler de façon gravitaire (selon une pente naturelle) vers la
Meuse. C’est cette contrainte lourds qui explique que la zone est resté à
l’état. Aujourd’hui c’est très vert mais ça ne durera peut-être pas. Ceci dit,
je ne regrette pas que la SPI s’occupe enfin de ces friches plutôt que
d’exproprier des zones agricoles.

Et pendant qu’on y est, je mentionne aussi le projet d’un nouveau pont entre Cheratte et Chertal. Pour
le promoteur « la réouverture de la
gare de Cheratte et la création d’un nouveau pont sont bien entendus intimement
liés »
.

Un Château prestigieux rongé par le mérule

Nous traversons le passage à niveau qui demain
ne sera plus là pour remonter la rue Césaro. C’est probablement la seule rue
dans le royaume affecté à un élève irrégulier. En 1866, il Césaro entre à
l’Ecole des Mines de l’Université de Liège. Il délaisse les cours et abandonne
ses études au cours de la dernière année.  
Il découvre néanmoins en 1883, à Richelle, des minérais phosphatés auquel il donne
le nom de Richellite et de Koninckite.

Nous longeons le parc du château et son mur
bien branlant. Le parc allait du cimetière actuel à la Meuse. La majestueuse
entrée est toujours surmontée du monogramme de Gilles de Sarolea, un maître de
fosses qui racheta en 1643 la Seigneurie de Cheratte au roi d’ Espagne. Le
pavillon à droite du château a été rajouté lors 
du rachat par le Charbonnage en 1913, pour y installer un hôpital et son
directeur.

Le ferrailleur limbourgeois, Armand Lowie, reçoit
en prime le château lorsqu’il achète le charbonnage. Il laisse les planchers et
le toit en proie au mérule. Après son décès en 2012, ses enfants mettent la
propriété en vente publique, en janvier 2017. Prix demandé : 126.000 € pour le château et le parc. C’est ce que le père
avait payé pour le tout quarante ans plus tôt.
En dernière minute la
vente  est annulée. Selon le Directeur
Général de la Ville de Visé « les
propriétaires ont trouvé un acquéreur privé qui était d’accord pour investir la
somme demandée
« . Ceci dit, le nouveau propriétaire qui prétend y
installer un Bred&breakfast se montre actif et est en train de déblayer le
parc. Une coupe en blanc ?

La ville de Visé a parlé pendant trente ans
d’une rénovation du château Sarolea et avait même lancé un « Community Land Trust » en 2014 en
espérant un million d’euros de la Région.

La rue Heyée  anciennement rue du Bac

Nous montons la rue Heyée qui était
bordée de haies, d’où son nom. Le sentier démarre à droite derrière la dernière
maison avant l’autoroute. Cette rue s’appelait anciennement rue du Bac. Pour
passer d’une rive à l’autre, de Cheratte à Chertal, on utilisa de grandes
barques qui étaient amarrés non loin du passage à niveau (1861) et de la route
nationale (1840). La maison voisine était celle du passeur.  Aujourd’hui, si vous cherchez le bac, il faut
descendre à Lanaye, où le bac ‘Cramignon’ transportera chaque année 40.000 passagers
vers Eijsden. On se plaint de la coupure presque totale entre Cheratte-haut et
Bas. Quand on voit l’état de cette rue on comprend pourquoi…

La Belle Fleur

Nous débouchons juste à côté du puits
Belle-Fleur (N°4 ou puits dit Hoignée, qui en 1927 a été équipé d’une petite
tour en béton armé et d’un treuil de faible puissance ; il servait à remonter
les stériles et s’arrêtait à la même hauteur que le carreau de la mine où une
galerie le reliait au puits N°1. 

En 1997, la Belle-Fleur est restaurée. Le square Marcel
Levaux commémore celui qui restera, à tout jamais le dernier bourgmestre de Cheratte.
Député du Parti Communiste de 1968 à 1981, il était devanu en 1970, après bien
de palabres et à la surprise générale, Bourgmestre de Cheratte, et cela
jusqu’en 1976, date de la fusion des communes. Il était entré à l’âge de 15 ans
dans la Résistance. Le 30/04/44 il avait hissé sur la Belle Fleur un drapeau
belge et un drapeau russe en hommage aux prisonniers qui travaillaient dans la
mine.  
L’arboretum -un
hectare avec une belle collection de Viburnum et Cornus -a été planté sur un
ancien terril.  La floraison des viornes
intervient en hiver ou au printemps, et elle est très parfumée, et à l’automne
elles se parent d’un beau feuillage aux couleurs flamboyantes. Le

avec une société de logement allemande 
à la Belle Fleur


VIBURNUM
opulus ROSEUM (Viorne obier Boule de Neige ou Rose de Gueldre) est très
appréciée pour ses grandes boules de fleurs. Le Cornouiller  par contre est intéressant en hiver, pour ses
rameaux vivement colorés.

Le sentier
n°29 et
une forêt ancienne

Entre deux maisons de la Rue Belle Fleur un
sentier descend en escalier. A mi-chemin il croise le sentier vicinal n°29 qui descend
à travers des parcelles privées, jusqu’à la terrasse supérieure du charbonnage.
La pente est modérée à l’exception des derniers 10 mètres présentant une pente
nettement plus importante. Selon l’étude d’incidence du projet immobilier, ce
sentier semble utilisé de longue date et il a pris dès lors un caractère public
par effet de « prescription acquisitive ». C’est d’ailleurs par là que
passaient les photographes urbex avant que la SPI ne clôture le site pour
l’assainir. On a prévu un ascenseur dans la tour, mais pas de passerelle vers
ce sentier 29. La chênaie-charmaie est une « forêt ancienne » qui
remonte au moins à plusieurs siècles. On la retrouve déjà sur la carte de
Ferraris. L’auteur de l’Etude d’Incidences trouve (comme moi) que ces reliques
doivent être conservées en l’état même si dans le présent cas, ce versant boisé
a dû subir une forte dégradation dans un passé charbonnier récent.

avec la MI Préalle dans le ‘forêt primaire’

Le sentier aboutit sur la Vieille Voie, à
l’époque le seul Thier entre Cheratte Bas et Haut.

Le charbonnage de Cheratte : une histoire multiséculaire

Nous retrouvons la
paire du charbonnage au bout de notre balade.
Le Hasard a
peut-être une histoire multiséculaire, mais il avait été abandonné une première
fois en 1878. Il  avait eu à souffrir des
 nombreuses crues de la Meuse qui ont
noyé à plusieurs reprises les puits. En 1905, les liquidateurs  vendent la concession à la Société anonyme des
charbonnages du Hasard à Micheroux qui démarre un plan ambitieux
d’investissements (comme elle fait d’ailleurs aussi à Blegny qui était un
charbonnage modèle). Pour commencer, le Hasard s’installe plus haut dans la
vallée. En 1907 elle construit une tour de briques « Malakoff », inspirée par
l’architecture industrielle de la Ruhr de l’époque. 
La tour imposante fait office de chevalement avec les molettes au sommet de la tour. La SPI en a sauvé une qui attend un
nouvel emplacement. Le nom ‘Malakoff’ réfère à la bataille de Malakoff de
1855. Lors de la guerre de Crimée, les français s’emparèrent d’une tour enpierre au sommet du mamelon Malakoff, défendant Sébastopol.  En France, cette victoire fut célébrée par la
construction de « tours Malakoff »
dans tout le pays. Dans le Ruhr on reprend ce nom pour les tours de chevalement
(le béton n’existe pas encore). Lors de notre tour en vélo dans le Ruhr nous
sommes passés à Sprockhovel  où il y a
une Tour Malakoff au charbonnage (Zeche) Alte Haase.

Un second puits d’extraction équipé d’une tour
métallique est mis en service en 1923. Fin des années 1920, on fonce le puits
N°III qui ne reçoit son chevalement en béton que dans les années 1950. Cette
tour vient d’être démolie par la SPI.

Une fermeture bâclée

Cheratte employait à son apogée quelques 1500
ouvriers.

http://www.museedevise.be/cheratte/
Durant la guerre 40-45, le charbonnage perd la moitié de ses effectifs ; les
autorités occupantes amènent alors 500 prisonniers russes. Lors de leur
retraite en août 1944, les Allemands les emmenèrent. En 1945, lors de la « bataille du charbon », la société du
Hasard  « reçoit » 500
prisonniers allemands. Pourtant, l’article 32 de la convention de Genève de
1929  interdit «  d’employer
des prisonniers de guerre à des travaux insalubres ou dangereux
 », et
impose la libération des prisonniers de guerre à la fin du conflit. Eisenhower
trouve un autre nom pour ces prisonniers de guerre et invoque l’absence de
Traité de Paix, après l’écroulement des nazis. Les prisonniers de guerre furent
finalement libérés après 14 mois de travail.

Lorsque le charbonnage ferme le 31 octobre
1977, il employait encore 600 mineurs.

photo basse-Meuse au temps jadis

Un ferrailleur, Monsieur Armand Lowie, achète
le site pour deux fois rien. Pendant 36 ans il bloque toute reconversion du
site, en récupérant un maximum de fer, dont la tour en fer du puits no 2.

Le site devient un haut-lieu de l’urbex. Un
ancien mineur s’installe même sur le site et demande un billet d’entrée, soit
une vingtaine d’euros par personne. En cas de non paiement, il appelle la
police.

La tour Malakoff est classée depuis les années
1980.

En 2007, le Hasard est inclus dans le
programme de réhabilitation du gouvernement wallon pour les façades et les
toitures du phalanstère, la salle des machines, le chevalement du puits no 4,
la colline boisée et la cité-jardin. En 2013, après plus de trente ans de
polémique entre les propriétaires et les autorités, le site du charbonnage
devient public. La SPI est chargé de dépolluer le site.

Vous lirez le reste dans mon blog sur le
permis d’urbanisme de Matexi

https://hachhachhh.blogspot.com/2022/03/un-permis-durbanisme-sur-le-site-des.html

Sur la cité de Cheratte voir mon blog http://hachhachhh.blogspot.be/2017/05/31ieme-balade-sante-mplp-une-cite-des.html