Lors de cette balade
nous passerons par le golf de Bernalmont, une manière de
confirmer que le chemin qui le traverse est public. Au Thier à Liège nous
aurons sur 500 mètres un siècle de logement social, de la cité jardin de 1922 à
la Cité Chapeauville dont la première pierre a été posé en 1982. Et en chemin
nous emprunterons des parties de la Voie des Botis, d’un Ravel et du GR des
terrils, 300 kilomètres de Grande Randonnée, de Bernissart jusqu’à Blegny-Mine.

De la Charlemagnerie ous remontons la Rue Henri Nottet, un tronçon de la Voie des Botis. Walthère Franssen a dédiée en 2002 cette balade à Laurent Dalemans, du
club de balade « Lès vîs solés da Charlèmagne ». Les Botis c’étaient
des femmes (et des hommes) qui transportaient le charbon des nombreuses petites
fosses situées entre les Hauts-Sarts et Bernalmont dans leur le bot jusqu’au
port charbonnier de Coronmeuse.

Un golf et un glissement de terrain

Nous contournons le terril de la Petite
Bacnure en prenant la rue Campagne de la Banse, à droite. Cette rue vient
seulement d’être rendue au public, après vingt ans années de fermeture à cause
d’un glissement de terrain.

La Petite Bacnure est un des seuls terrils
encore en combustion. Cette combustion (spontanée) est à la base d’un
glissement de terrain. Mais c’est aussi grâce à cette combustion que le terril est
encore là. En 1989 l’INIEX a jugé que le terril de la Petite Bacnure était non
exploitable pour ce qui est de la récupération de charbon : dans les
parties brûlées, il n’y a plus de matière combustible. Même l’exploitation du
schiste rouge (utilisé entre autres pour des terrains de tennis) n’était pas
envisageable à cause de la combustion.  D’autant
plus que le terril avait connu en 1969 un début d’exploitation de schiste.
L’exploitation menée en dehors de toute règle de sécurité a été arrêtée après
un accident mortel survenu sur le chantier au pied du terril.

L’INIEX l’a peut-être jugé non exploitable,
mais pour le plan de secteur, la Petite Bacnure est classée en zone d’espace
vert avec la mention « ZR » (Zone à rénover). 

photo E. Slegers

C’est l’époque où est lancé le projet de golf
de Bernalmont, en 1988, avec le soutien de la ville de Liège. En 1987, la Société
Immobilière Régionale (SIR), propriétaire des 18,9 hectares (terril, paire et
les bâtiments du charbonnage), avait même envisagé une extension du golf vers
le terril. Elle présente une maquette avec le terril remodelé.  Devant ces menaces, le Conseil communal de
Herstal demande le 29 juin 1989  à la
Région Wallonne un classement en zone naturelle, en vain. Le Conseil communal
du 30 mars 1995 confirme cette demande.  La
demande tombe dans sourde oreille : lors du second classement quinquennal,
le 9/3/1995, le terril est classé en catégorie « C », c’est-à-dire
éventuellement exploitable après étude. 
Ce second classement avait été décidé par la Région sous l’influence de
la SIR. (partenaire immobilier du golf) qui avançait une extension possible du
golf, bien que son intention était tout autant l’exploitation du terril. 

Finalement on se contente du golf comme on le
connait et la liaison entre le golf et le terril est coupée par le lotissement
que nous voyons sur notre droite.

Un glissement de terrain relance le débat, en
avril 1999. Une partie du versant sud-ouest du terril s’effondre et obstrue
partiellement la rue Campagne de la Banse. La cause de ce glissement est le
tassement dû à la combustion, et l’humidification de la base du terril par la
non-évacuation des eaux de ruissellement et d’égouttage. Les propriétaires – les
sociétés charbonnières en liquidation SIR. et FPA – Fondation Sud-Africaine) sont
aux abonnés absents, comme chaque fois qu’elles doivent passer à la caisse. Le
déblaiement traine en longueur. En 2006 le bourgmestre veut « en profiter pour changer le terril de
catégorie et le faire araser pour débloquer la situation
 »
(La Meuse du 2 juin 2006).
En juillet 2006 la Cour d’Appel de Liège condamne Herstal à réaliser des
travaux au pied du terril et à en partager la facture avec les
propriétaires  La Ville invoque le risque
d’insolvabilité de ces derniers et fait procéder à une saisie conservatoire de
95.000 € sur les schistes du terril qui entre-temps changé de propriétaire. Le
16 mars 2009  le Conseil Communal de
Herstal vote la vente de schistes du terril afin de couvrir une partie des
frais de sécurisation. Je n’ose imaginer les nuisances pour les riverains si on
devrait décider pendant les 5 à 10 ans d’exploitation d’un chantier à ciel
ouvert pour traiter les 3.231.000 mètres cubes de schistes …

En mars 2020, rebelote, avec un nouveau
glissement terrain. Les riverains de quatre foyers sont évacués. Les arrêtés
d’inhabitabilité sont levés, suite à une action en référé introduite par deux
de ces familles, qui se basent sur un rapport d’experts et de géomètres épaulés
par un drone. L’expert est rassurant : le dernier glissement a une forme
‘pancake’ (crêpe) et ne concerne qu’une tranche superficielle du terril.

En 2020 l’AIDE a lancé un chantier très
conséquent d’égouttage qui va vers sa fin. On peut espérer qu’ainsi le terril
n’aura plus ses pieds dans l’eau. Et une procédure de fin de concession est en
cours. En principe le concessionnaire doit sécuriser ses puits et terrains…

Le
terril de la petite Bacnure

Nous ne monterons pas sur le terril. L’accès
se fait par un sentier situé à mi-parcours de la rue Campagne de la Banse. Ce
sentier en montée douce conduit à la crête. La hauteur du terril par rapport au
niveau du sol est de 83 mètres. Le sommet du terril est à 198 m d’altitude. Il
fait 3,2 millions de mètres cubes et 5,6 millions de tonnes.

A la surface d’une pointe de combustion on a
une température comprise entre 25 ° C et 60 ° C. Elle peut monter à 100 ° C à
un mètre de profondeur et à 1000 ° C dans le foyer même. On y trouve une
végétation  liée à un microclimat très
particulier, où le sol ne gèle jamais, et la végétation reste verte pendant
tout l’hiver là où elle sèche rapidement en été. La combustion peut prendre
plus de 50 ans, comme ici pour la Petite Bacnure. Pour d’autres terrils comme
le Bernalmont ou Batterie Nouveau le feu s’éteint après quelques décennies. Tandis
que des glissements de terrain étaient fréquents dans la période d’activité,
les glissements de terrain en cours sont principalement corrélés à la
combustion.

D’après un sondage réalisé par l’INIEX en
1977, 25 % de son volume était en combustion. Au sommet, on peut observer, sur
une vingtaine de m², des boursouflures ou des croûtes par lesquelles
s’échappent des fumerolles faites de vapeurs d’eau et de gaz sulfureux. J’ai eu
le plaisir de montrer ces fumerolles à un artiste en résidence aux ateliers
RAVI de la Ville de Liège (Résidences Ateliers Vivegnis International) Jerome
Giller a fait sur cette base un vidéomontage magnifique dont les droits ont été
acquis par notre musée.

Le Ravel de liaison Meuse-Liers

A hauteur de la rue de la Banse nous prenons
sur notre gauche le Sentier de La Préalle. Nous sommes ici sur le Ravel de
Liaison Meuse-Liers qui démarre au pont Atlas et qui va jusqu’au Ravel
Liers-Ans.  Dans l’Atlas des Chemins
Vicinaux ce sentier a le n°54 est aussi dénommé Sentier conduisant de
Bernalmont à La Préalle.

En débouchant Lavaniste Voie nous avons devant
nous un chantier de 71 logements le long du golf. T-Palm est maître d’ouvrage
pour le compte de la Maison Liégeoise qui assurera la commercialisation. La
Société Wallonne du Logement finance 12 millions, la Ville 962.000 euros. Selon
le gestionnaire du dossier, il y aura trois loyers différents, avec  une partie de social où le loyer sera limité à
20 % maximum des revenus du ménage. Une autre partie de loyers est qualifiée
d’équilibrée, à savoir 550 € ou le prix moyen actuel pour un appartement deux
chambres en région liégeoise. Ce qu’on veut éviter, c’est de reconstituer des
ghettos, comme ce fut le cas à Droixhe dans les années 70. C’est pour cette
raison que Liège impose désormais des loyers mixtes dans chaque nouveau
lotissement.

Ce chantier est lié aussi au projet du golf. La
Maison Liégeoise est dans le montage financier : elle a acheté les
terrains le long de Lavaniste Voie. On y avait fait miroiter une
« rue » arborée à 2X2 bandes de circulation pour aller vers le golf et
on a exproprié les vieilles maisons coté golf. Un vieux monsieur, attaché à sa
maison, a même été sorti par la police (qui ne faisait que suivre les
injonctions d’un juge), juste avant qu’on abatte sa maison. Même si la maison
était très vieille, il aurait pu y finir ses jours… La bande de terrain est
finalement resté en friche pendant 30ans.

La Rue des Myrtilles

Le Sentier de La Préalle se prolonge dans un
des chemins vicinaux les plus intéressants dans le coin : la Rue des
Myrtilles. Plus personne ne l’appelle encore ainsi mais on le retrouve toujours
au cadastre. C’est un sentier public i2 qui traverse le golf. OpenStreetMap
calcule qu’à pied du Thier-à-Liège vers la FN, ça prend 38 minutes… C’est bien
plus rapide que de prendre le bus…. 
Le sentier a été légèrement déplacé par
T-Palm, mais reste accessible pendant le chantier. Ce qu’on ne peut pas dire du
golf qui essaye tout pour décourager le promeneur de passer. Lors de
l’établissement du golf, le Comité de Quartier s’était mobilisé pour conserver
ce chemin. Le golf a essayé à plusieurs reprises de le supprimer et de rendre
le passage difficile ou d’effrayer un éventuel passant.

Au bout du golf, nous croisons un magnifique
sentier
dénommé rue Chapeauville, qui part du château de Bernalmont et qui aboutit derrière la charmante
cité au-dessus de la rue Renardi. Il a
été un peu malmené lorsqu’on est venu enlever quelques pylones de la ligne de
haute tension. Nous l’emprunterons au retour.

Notre rue des Myrtilles descend vers la rue
Renardi et remonte sur le Tribouillet, au milieu de potagers menacés. Lorsqu’en
2021 on y découvre une pollution, la Ville de Liège a envoyé en renom aux
jardiniers. La Ville a dû faire marche arrière, mais mon petit doigt me dit que
ce n’est pas fini. Et le projet immobilier en cours ne fait que de me confirmer
dans cette idée…

Le ‘Parc Poldine

La Rue Tribouillet débouche dans la  Rue Charles Gothier. En face de l’école
communale, entre les rues Alphonse Tilkin et Charles Gothier,  le ‘Parc Poldine’. On l’a baptisé ainsi dans
le cadre de la  de féminisation des noms
des rues. Léopoldine Artus était née rue des Wallons au Laveu, en 1902. Une vie
presque sortie d’un roman de Zola avec un soupçon des misérables de Hugo, une
vie de courage et persévérance, de bonhomie et dignité. Pour aider sa mère
veuve avec huit enfants, à dix ans elle vendait du charbon, le dimanche elle
poussait la chansonnette chez Malfait (café populaire du Laveu) et en semaine
vendait aussi des oranges et des noix. N’ayant pas de licence pour vendre à
chaque passage de policier elle se cachait. Elle a reçu sa première charrette à
bras à ses 19 ans et depuis lors elle fut toujours marchande des quatre
saisons. « Ma charrette, c’est ma
vie! »
disait-elle.  Et c’est
évidemment un rappel du maraîchage dans le coin, au Thier à Liège, aux
Cotillages et à Vottem.  Si la pollution
découverte récemment s’avère historique, ça se pourrait que notre marchande des
4 saisons a vendu des légumes pollués.

 (https://www.facebook.com/fehervari.louis/posts/368456570538199/  sur base des Personnages populaires liégeois
de Jean Jour, photos de Michel Borguet.)

La cité : un résumé d’un siècle
d’habitat social

panneau expo curtius 100 ans maison liégeoise

Je vous invite
maintenant de faire un tour dans la cité qui est un résumé de plus d’un siècle
d’habitat social. Le noyau le plus ancien est la cité
jardin, la première réponse socialiste à la crise endémique du logement sous le
capitalisme. C’est ce que nous voyons en rejoignant le Boulevard via la rue Volgograd.

En 1930 on construit autour de ce noyau 200
logements dans le cadre d’un concours d’habitations à bon marché. Les
initiateurs étaient les membres belges des Congrès Internationaux
d’Architecture Moderne (CIAM) et son antenne local le groupe l’Equerre. La
Maison Liégeoise cède deux hectares et demi à côté de sa cité-jardin aménagée à
partir de 1922, et y construit elle-même quatre maisons. Il y a aussi plusieurs
immeubles à appartements sur le BD SOLVAY, dont le n° 150-154, immeuble dit
« Casablanca ». Louis Herman de Koninck construit le groupe de trois
maisons sous un même volume à l’angle du Bd SOLVAY et de la Rue Nicolas PIETKIN
avec la technique des voiles de béton, pour le maître d’œuvre des Tramways
Unifiés.  La maison est fortement remanié
aujourd’hui (‘personalisé ou customisé’, sans respect pour le style cubiste
d’origine). Victor Bourgeois construit deux maisons individuelles pour le
compte du Foyer Jumetois, Boulevard Solvay 3-4 : deux petits appartements
au-dessus de deux duplex, avec une cage d’escalier indépendante. Il applique un
système révolutionnaire de béton coulé sur treillis, appelé Farcométal, du nom
de l’entreprise productrice. Fernand Bodson y construit Rue Nicolas PIETKIN,
19-27 des maisons plus traditionnalistes, avec un plan articulé autour d’un
foyer unique, permettant de chauffer toute la maison. Le Maitre dOeuvre est« la société Uccloise pour la construction
d’Habitation à bon Marché
 ».  Il
y a aussi une maison Cockerill.

panorama cité photo P. Frankignoule

Les maisons du côté de l’école communale ont
été construites après la deuxième guerre mondiale par la Communauté du Charbon
et de l’Acier (CECA) qui voulait « remplacer
les baraquements et logements de fortune, et faciliter la réinstallation des
mineurs ».
La CECA encourage des systèmes préfabriqués.  Au Tribouillet une série de maisons ont été
construites sur le modèle Thirifay’ : des assemblages de béton creux avec
des murs extérieurs en béton cendrée reliés à une ossature légère en béton
armé. L’aspect extérieur est composé de gravier roulé aggloméré sur des plaques
de béton armé de 5 cm d’épaisseur.

La cerise sur le gâteau : la cité Chapeauville

Nous suivons le Boulevard jusqu’à son
croisement avec la rue Walthère Dewé. En face 
de nous, de l’autre côté du giratoire, la cerise sur le gâteau, la
petite cité construite dans les années ’80 par  l’architecte Pierre Arnould et l’ingénieur
René Greisch, pour la Société de Développement Régional de Wallonie. Pierre Arnould
qui vient de décéder a habité dans la cité où il abordait volontiers les
promeneurs égarés pour leur raconter des anecdotes sur la conception de son
chef d’oeuvre. La cité de

la rue Chapeauville ne devait être que le début d’un
quartier beaucoup plus vaste, autour du golf, mais l’expérience pilote n’aura
pas de suite, un moratoire ayant à cette époque bloqué la construction de
logements publics en Wallonie pour de nombreuses années…

Au milieu des années 1990 on construit encore
une série de maisons Lavaniste Voie pour le compte de la Maison Liégeoise. La
Société de Logement ne fait que l’intermédiaire. Les maisons sont directement

vendues ; comme les logements de T-Palm que nous avons croisé en début de
notre balade. Formellement ces maisons sont comptées comme logement public,
mais en fait ces maisons ont été vendues directement aux particuliers.

Sur le GR des Terrils

La cité s’appelle
Chapeauville parce que la première partie de la Rue Chapeauville a été
détournée pour sa construction. Au fond d’une cour commune assez plaisante avec
bancs on retrouve cette rue qui est reconnaissable en certains tronçons par son
pavement. Elle est empruntée aussi par le GR des Terrils. Le sentier aboutit
Lavaniste Voie après avoir contourné le driving range.

Au carrefour de la  rue Nottet et de la Lavaniste-Voie, il y
avait autrefois « la prairie des
chevaux aveugles
« .  C’est là que
le charbonnage mettait au vert ses chevaux de fond. A partir du XVIe siècle,
des manèges à chevaux faisaient tourner les roues d’extraction. Vers 1815 la
traction chevaline est utilisée dans le fond. 
Au début les chevaux restaient quasi à demeure dans le fond, puis à la
faveur des congés payés instaurés en 1936 ils étaient remontés assez
régulièrement. Le charbonnage de la Petite Bacnure invita la Ligue de défense
des chevaux de mine à visiter ses chevaux. 
Le rapport dressé à l’époque précise que les chevaux en liberté étaient
bien soignés, bien traités et « heureux
de la récompense qui leur était accordée après une semaine de labeur
 »  
(Le
destin des chevaux de mine, Ed. par la Ligue pour la défense et la protection
des chevaux de mine, Liège, 1938)
. Au charbonnage de
Milmort les ouvriers étaient parfois mis à l’amende pour mauvais traitements
infligés aux chevaux.  Mais au
charbonnage de Cheratte, 56 cadavres de chevaux furent remontés du fond de la
mine de 1931 à 1956.

Il ne nous reste que
de descendre la rue Nottet pour rejoindre la fête, où Renaud Daelemans vous
proposera peut-être de relancer les Vis Solès sous un nom ‘rajeuni’ Djoyeus solés….

Plus sur la Cité du Tribouillet

http://hachhachhh.blogspot.com/2013/12/thier-liege-la-cite-du-tribouillet-un.html