Balade à Vottem : un perron et deux cimetières
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photo ville lg |
Tous les deuxièmes samedis du mois la Maison Intergénérationnelle
de la Préalle organise une balade. Celle d’avril se fait exceptionnellement le
3ième samedi à cause du WE de
Pacques.
Point de départ : à 10h devant la pompe à
essence au croisement de la rue Bonnier du Chêne et de la Plope, ou devant la MI
à 9h45.
Nous remontons le rue du Plope pour prendre la
rue Machiroux sur notre droite, un lotissement tout en longueur, avec assez de
chicanes pour décourager tout trafic de transit.
Charles Machiroux a créée une des fraises les
plus connues de Vottem qu’il a donné son nom.
Nous débouchons
Rue de Liège, et nous montons vers le cimetière par la rue des Neufs Journaux.
Les neuf journaux ne sont pas des gazettes; c’est une mesure de surface :
la superficie qu’on peut labourer en une journée. A Liège, avec ses terres
compactes, cela valait 21 ares, ou 5 verges grandes (cfr rue des 14 verges). Le
chemin des neuf journaux existait avant le cimetière, et si on n’y a pas touché
c’est qu’il faisait frontière entre Liège et Vottem. Dans le Tableau Général de
l’Atlas on retrouve le chemin sous le nom “Voie Louvanisseou encore Vôye des treûs
Bouhons
Nous sommes ici sur une boucle du chemin de
Grande Randonnée GR412, le chemin des terrils.
Le chemin aboutit à la Rue des Tendeur. Juste
avant il y a sur notre droite «le paradis des animaux ». Les animaux vont
directement au paradis. Pour les humains il y a le purgatoire, sauf pour les
saints… A côté des chiens et chats, il y a aussi des rats, des chevaux et un kangourou.
Un Perron de « dépannage
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l’endroit où se trouvait le perron de Vottem? |
Quelque part dans le coin se trouvait un
Perron de « dépannage », quand le Perron Place du Marché était inaccessible au
prince évêque. Liège vient de démonter la copie des Trois Grâces qui se
trouvait sur le perron. L’original du sculpteur Delcour est au Curtius. Ne
pourrait-on pas installer cette copie, de la main de l’échevin communiste Paul
Renotte, au coin du
cimetière ? L’historien Claude
Gaier le situe à l’angle de la vieille voie de Tongres et la rue des Neuf
Journaux. Nous y sommes donc.
A Liège
le perron était à l’époque le symbole du pouvoir de justice, le pouvoir
temporel, du prince-évêque.
http://perso.infonie.be/liege06/06six1.htm#21a Tout ça remonte à 1254, année où Henri de
Dinant http://hachhachhh.blogspot.com/2009/01/1254-henri-de-dinant-dfie-le-prince.html devient le premier bourgmestre liégeois nommé
par un suffrage vraiment populaire. Il organise les milices populaires par
vinâves, des compagnies de vingt personnes, commandées par des vingteniers.
Quelques années plus tard, il est prêt pour la confrontation avec le prince. Le
prince s’était plaint au Pape de ce que les bourgeois de Liège avaient institué
des compagnies et avait excommunié les Liégeois. En 1255, le prince impose,
avec l’aide du duc de Brabant, du comte de Gueldre, du comte de Juliers et du
comte de Looz, sa paix de Bierset. Par prudence, le Prince y avait inscrit le
droit d’ouvrir un plaid à Vottem, quand la Cité était trop dangereuse pour lui.
Quand un demi siècle plus tard, en 1307, le prince évêque Thibaut de Bar doit fuir à
Maastricht, devant la pression du peuple, il cite les chefs des révoltés à
Vottem. Le peuple en armes occupe le lieu avant l’arrivée du prince. Le prince
n’ose pas lancer le combat et doit signer la paix à Seraing
http://perso.infonie.be/liege06/08huitm.htm.
En 1346 s’y déroule la Bataille de Vottem:
notre bataille des Eperons d’Or de 1302
http://hachhachhh.blogspot.be/2014/02/la-bataille-de-vottem-de-1346-notre.html
Le cimetière et ’épidémie cholérique de 1866
Nous prenons le
Boulevard Fosse Crahay à gauche. Face à l’entrée du cimetière, les tombes de deux
pompiers, Hebrans Jean-Pierre et le sergent pompier Spineux ‘pour services rendus pendant l’épidémie
cholérique de 1866’. Le dicton ‘choisir
entre peste et choléra’ ne date pas du fin fond du Moyen Age mais de la
révolution industrielle…
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la tombe Khalifas |
Nous longeons le mur de l’enceinte vers la
droite. Une des plus belles sépultures du cimetière est celle de Jacques Debruyn (parcelle 25-1-1). Sa
mère Khalifas avait inventé la cigarette – ou préparation tabagique – qui fera
la fortune de ses fils. Sa pub représentait une tête arabe : « si Ali ne fume pas la Khalifas, que
voulez-vous qu’Ali fasse ? « . Bien trouvé ! Le monument est
de l’architecte Eugène Jamar.
Dans la
parcelle 33-1-57 Joseph Demarteau, fondateur de la Gazette de Liège. Il
mena (entre autres) en 1881 une campagne contre li toré, sommet de l’indécence
pour les calotins de l’époque…
Le quartier de Sainte Marguerite honore
toujours Maurice Waha (59-1-45). http://archives.lesoir.be/liege-le-7-septembre-44-un-char-tuait-87-personnes-trav_t-20040904-Z0PQA7.html
Le 7 septembre 1944, les soldats
allemands, en pleine déroute, lancèrent un char bourré d’explosifs en direction
du carrefour Fontainebleau. Maurice Waha fait une tentative héroïque mais vaine
pour désamorcer la charge explosive. 87 personnes périrent. Des prisonniers de
guerre soviétiques et quatre aviateurs anglais
Nous montons vers la pelouse de dispersion. A
coté des tombes belges, sur la parcelle 63 ter-1-1 à 7, un monument pour cinq
prisonniers de guerre soviétiques décédés en avril et mai 1945, donc largement
après la libération, à l’hôpital Beauregard rue Saint Gilles. Le monument fut
érigé en 1991 par Obelisk, un organisme d’état russe. Le sculpteur Bourganov a
un musée à son nom à Moscou.
Un peu plus loin sur notre droite quatre sépultures d’aviateurs anglais dont l’appareil fut abattu au-dessus de
la région liégeoise dans la nuit du 5 au 6 août 1941. On ne peut pas dire que
les aviateurs meurent anonymement. Leur bombardier Numéro de série Z6803 MHJ
est sorti des usines Armstrong Whitworth Whitley et livré directement de
l’usine au 51ième Squadron début 1940. Il a décollé le mardi 5 août
1941, en fin d’après-midi, sur la base de Dishforth en Yorkshire, pour un raid de bombardement sur
Francfort. Y ont pris part 46 Whitleys et 22 Wellingtons. L’équipage est
composé du Sgt CREEDY, W/op Air gunner (W/op = wireless operator = opérateur
radio. Air gunner = mitrailleur), matricule 909837 RAF, VR (VR = volontaire de
réserve), 23 ans; Sgt DEAN, obs, matricule 903312 RAF, VR, 24 ans; P/0 (P/0 =
Pilote Officer = officier pilote), TILLEY, Pilot, matricule 61034 RAF, VR,
originaire d’Afrique du Sud; Sgt WILLIAMS, Pilot, matricule 1162621 RAF, VR, 18
ans; Sgt HART, W/op.
Le Whittey Z6803 est attaqué par un nachtjager
Fw Reinhard Kollak du I./NJG 1 (un
chasseur de nuit de la Luftwaffe basé à Saint-Trond – Nachtjagd). Reinhard
descend cette nuit trois avions Désemparé, après délestage de ses bombes, le
bombardier s’écrase sur l’île Monsin. Trois corps sont retrouvés sans vie :
ceux de CREEDY, de DEAN et du P/0 TILLEY. Le Sgt WILLIAMS est transporté
grièvement blessé à l’Hôpital Militaire où il décède le 10 août. Le Sgt HART,
unique rescapé, fut fait prisonnier POW number R/66039 au Stalag Luft 6. Il est rapatrié
en 1945.
Récit dans le quotidien « collaborationniste » LA LEGIA du
mercredi 6 août 1941 : « DEUX
AVIONS ANGLAIS ABATTUS DANS LA REGION LIEGEOISE. Dans la nuit de mardi à
mercredi, l’aviation britannique a de nouveau opéré sans discernement au-dessus
de la région liégeoise. Loin de tous objectifs militaires, elle a lâché
plusieurs bombes explosives et de nombreuses bombes incendiaires, provoquant la
mort de Monsieur Clément Remy, 40 ans, et de son fils âgé de 6 ans. On compte
en outre quatre blessés. Trois maisons sont entièrement détruites et cinquante
autres plus ou moins gravement endommagées. Un avion anglais a été abattu en flammes
en aval de Liège. »
Décédé accidentellement au charbonnage de Baneux à l’âge de
13 ans
Dans la parcelle 65-A/B un monument de l’Union
des mineurs du bassin de Liège pour Leblanc Alfred, « bienfaiteur des mineurs de Liège ». Ce syndicat est un ancien
fonds local fondé en 1901. Les syndicats miniers ont connu une naissance
difficile
Je n’ai pas réussi à retrouver sur la parcelle
21-1A-43, une tombe « A notre regretté
fils Léonard, décédé accidentellement au
charbonnage de Baneux à Liège le 24 mars 1908, à l’âge de 13 ans ». On peut
chercher ensemble… En 1889 les garçons de 12 à 16 ans et les filles de 12 à 21
ans ne travailleront que le jour, 12 heures max. et 6j/sem. En 1919 la Belgique
interdit le travail aux moins de 14 ans.
En face de ses soldats du 12ième de ligne, le capitaine-commandant Speesen du fort de
Pontisse
A droite une drève en hêtre noir mène vers un
champ d’honneur. En face de ses soldats du 12ième de ligne, parcelle 50-1-58,
le capitaine-commandant Speesen, l’âme
de la résistance du fort de Pontisse. Il
survit à quatre ans de captivité en Allemagne.
Le dessinateur Jacques Ochs au 44-1-22 a été incarcéré à Breendonk (décembre
1940-février 1942). Ces croquis sont un témoignage des pénibles conditions
vécues par les détenus. De février 1942 à juillet 1944, il est assigné à
résidence. Il se retrouve à la caserne Dossin à Malines où il évite in extremis
la déportation, grâce à l’arrivée des troupes alliées (septembre 1944). Il
recouvre alors ses fonctions de directeur de l’Académie et de conservateur du
musée des Beaux-Arts de Liège, avant d’y renoncer en 1948.
Sainte-Walburge et le décret de Napoléon du 12 juin 1804
Napoléon interdit en 1804 d’inhumer autour des églises. Liège crée trois
nouveaux cimetières: Robermont, les Bayards (supprimé en 1816) et Hocheporte,
supprimé en 1821.
En 1855, la Ville de Liège veut fermer le
cimetière paroissial de Sainte-Walburge. La famille Orban y demande une concession
à perpétuité en échange de la cession de terrains avoisinants. Le cimetière
paroissial sera désaffecté pour permlettre la construction de la nouvelle
église en 1878. Mais le monument Orban fut sauvegardé. Après de nombreuses
débats sur les risques de contaminations des nappes aquifères, on inaugure
enfin le nouveau cimetière Sainte-Walburge en mars 1874. Le boulevard Fosse
Crahay deviendra une large chaussée pavée, baptisée par les toujours facétieux
Liégeois, le boulevard des étendus.
Le terril Batterie Nouveau (ou terril du Poyou Fossé)
Au rond point nous prenons le Chemin de la
Soquette. Sur notre droite le terril
Batterie Nouveau (ou terril du Poyou Fossé). L’exploitation charbonnière s’est
arrêtée en 1965. Il occupe une superficie de ± 14 ha. Dans les années 70, il a
fourni du remblai lors de la construction de l’hôpital de la,Citadelle. Reboisé
en 1984, il est aujourd’hui classé non exploitable. De son sommet on
découvre, quand les feuilles ne sont plus sur les arbres, l’un des
panoramas les plus impressionnants de Liège!
Un camp de prisonniers de guerre
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photo urbanisme Lg D.Tips |
Sur notre gauche, sur le terrain de football
entre la rue du Plope et le chemin de la Soquette, et le terrain occupé
aujourd’hui par des gens du voyage, il y
avait un camp de prisonniers de guerre mis au travail dans les mines. D’abord
des Russes, ensuite des Allemands. Lorsque ceux-ci ont été libérés, on y a logé
des travailleurs, vu la pénurie persistante de logements. Ce qui devait être
une situation transitoire a malheureusement persisté jusqu’en 1956 La
catastrophe de Marcinelle attire aussi l’attention sur les mauvaises
conditions de logement des mineurs. Les logements sans confort et à l’hygiène
déficiente de la cité du Plope sont déclarés insalubres. La société de logement
La Maison Liégeoise est chargée du relogement des habitants. À la fin des années 1950, l’ensemble aura
complètement disparu.
Voici deux photos faites en 1954. La famille d’origine
Slovène qui a pris les photos a vécu quelques années au camp du Plope. Elle est
partie au Canada. Une fille qui s’était lié d’amitié avec un garçon de quatre
ans de cette famille, est allé plus tard en vacances les retrouver au Canada,
et ces photos ont refait surface.
Le garçon situe ce qu’il appelle une « prison »,
à l’endroit où sont actuellement les caravanes des gens du voyage. Il n’y avait
plus des barbelés en 1954. Il y avait 5
rangées de baraquements de chaque côté et une cantine au centre. Un côté occupé
par des italiens, l’autre des polonais. Il y avait aussi d’autres nationalités.
Ce canadien d’origine slovène se rappelait d’un film qu’il a été voir au forum
à Liège : Marina, réalisé par Stijn Coninx en 2013. Je veux bien que ce film a
laissé un souvenir très fort. C’est avec Adamo. Dans ce film, on voit les mêmes
baraquements.
Mon ami (Préallien) Walthère Franssen a écrit « Des ‘goulags’ belges
? », une analyse fine sur les prisonniers de guerre mis au travail forcé en
tant qu’ouvriers mineurs en Belgique. Voici le trailer https://www.facebook.com/watch/?v=704954143990249
Fin juin 1942, les premiers prisonniers russes arrivent en Campine, et
puis, à partir de janvier 1943 dans les charbonnages
liégeois. 5600
seront mis au travail dans les mines du Limbourg. A Herstal, il en avait aux charbonnages de
Belle-Vue, de Bonne Espérance et 130 à la Grande Bacnure.
Les vestes des prisonniers russes étaient
marquées K.G.F (Kriegsgefangere, prisonnier de guerre en allemand).
La Grande Bacnure logeait ses prisonniers
russes dans un phalanstère au n°80, de la rue Lavaniste Voie. Les Russes du charbonnage de Belle-Vue à
Herstal étaient logé dans un “Stalag“ situé en Hayeneux. Les russes du
charbonnage de Batterie étaient logés rue du Plope à Vottem. Camps et
phalanstère étaient gardés par des soldats allemands de la Werhrmacht.qui escortaient les prisonniers jusqu’au
charbonnage.