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Herstal est rentré l’histoire
pour trois choses : Pépin de Herstal, le fusil FAL et last but not
least la grève des femmes de la F.N. en 1966.

Pour mon récit je me suis principalement basé sur le résumé du livre de Marie-Thérèse Coenen « La
grève des femmes de la FN en 1966 ».

Cette grève est devenue le symbole de la lutte des femmes et
a été une première européenne. Leur grève s’étendra à d’autres entreprises et
suscitera un vaste mouvement de solidarité à travers l’Europe.
La F.N. emploie 13.000 travailleurs en 1966, dont 3.900 femmes. Ces ouvrières
occupent le bas de l’échelle:  le travail des “femmes-machines” se fait
dans des conditions dégueulasses (huile, bruit, manque d’hygiène, absence de
vêtements de protection). L’ouvrier le moins qualifié qui entre à la F.N. est
payé directement en classe 4 et peut régulièrement progresser; par contre, les
femmes se répartissent dans les classes 1 à 3 et ne peuvent espérer monter plus
haut puisqu’elles ne suivent pas les formations internes à la F.N. ! Enfin,
dans la vie syndicale de l’entreprise, les femmes restent sous-représentées :
si elles représentent 30% de la main-d’œuvre, il n’y a que 6,5% de déléguées à
la FGTB et 9% à la CSC.
Chronologie
de la grève
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8 nov. 65 : Début des discussions au niveau national pour
l’établissement d’une nouvelle convention qui doit réduire les différences
salariales entre hommes et femmes dans le secteur du métal.
Janvier 66 : Nombreuses réunions syndicales dans
l’entreprise sur le thème “A travail égal, salaire égal”.
9 février : premier débrayage spontané des femmes.
16 février : Devant leur détermination, les délégués
convoquent une assemblée générale pour le lendemain à la salle La Ruche, à la
maison du peuple d’Herstal. Ce sera le lieu de rassemblement pendant toute la
grève. Devant une assemblée de 3000 femmes très décidées, les permanents
syndicaux s’inclinent, ils soutiendront le conflit. Les hommes manoeuvres (les
moins bien payés) touchant 32 francs l’heure et les femmes 25 francs, elles
réclament 5 francs/heure d’augmentation.
Lors de la deuxième semaine de grève les syndicats proposent
la constitution d’un comité de grève composé Charlotte Hauglustaine (FGTB) sera nommée présidente et RitaJeusette (CSC) secrétaire. Les motions de
solidarité arrivent en grand nombre. La renommée de la grève dépasse les
frontières: les Françaises, les Néerlandaises apportent leur témoignage de
sympathie et récoltent des fonds.
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de 29 grévistes connues par les
syndicats. Il s’agit clairement d’endiguer les influences extérieures.

21 mars : 6e assemblée générale. Le nombre d’ouvriers au
chômage atteint 4.000 et des secteurs entiers de l’usine sont à l’arrêt. A
l’assemblée, une représentante de la CGT française reçoit une ovation
extraordinaire et 2.500 ouvrières chantent La Marseillaise.
7 avril : Après 51 jours de grève, une manifestation se
déroule à Herstal. Le mouvement de solidarité s’amplifie. La marche sur Liège
organisée le 25 avril rassemble plus de 5000 personnes.
Les négociations se poursuivent pour aboutir vers le 4 mai à
un accord. Il prévoit une augmentation horaire immédiate de 2 francs et ensuite
une seconde augmentation de 75 centimes au premier janvier 1967. Les
travailleuses se prononcent pour la reprise avec 1320 oui, 205 non, 20
bulletins nul. Le 10 mai, les grévistes rentrent en cortège dans l’usine en
chantant une dernière fois leur chanson de lutte.
Suzanne Grégoire phorrto carcob

Après la grève, le comité « A travail égal, salaire
égal » décide de maintenir la pression. Une des personnalités de ce comité
est Suzanne Grégoire. Elue députée communiste pour
l’arrondissement BHV de 1946 à 1948, elle n’avait pas été élue par les femmes,
puisque le droit de vote des femmes aux élections est reconnu seulement en 1948.
La première participation des femmes aux élections législatives – en tant
qu’électrices, pas en tant que candidates – sera en 1949. C’est donc en toute
logique de féministe convaincue qu’elle  participera activement à la grève et qu’après
la grève, le 8 octobre 1966, elle est élue trésorière du comité. Le fait
qu’ elle ait commencé sa carrière politique comme conseillère communale à
Herstal a évidemment contribué à cet engagement.

Les 3000 travailleuses ont conscience d’avoir été actrices
d’un changement historique. « La lutte que vous avez menés » dira Robert
Lambion, « est un des plus beaux combats du mouvement ouvrier. Pour votre
courage qui a forcé l’admiration de tous, pour le jalon que vous avez posé dans
l’histoire du mouvement ouvrier et l’émancipation de la femme, nous vous
disons, merci, mesdames
».
Après la grève : La combativité des femmes permettra par la
suite d’obtenir de nouvelles augmentations salariales à la FN, plus importantes
pour les femmes que pour les hommes. Une nouvelle grève de trois semaines en
1974 permettra l’ouverture aux femmes d’une soixantaine de fonctions qui leur
étaient fermées jusque là et de nettes améliorations en matière d’hygiène et de
conditions de travail.
CHANSON DES FEMMES DE LA FN PENDANT LA GRANDE GRÈVE DE 1966.
Le travail, c’est la santé
Pour ça, faut être augmenté
S’ils refusent d’nous la donner
Faut pas travailler.
Le syndicat a demandé
La direction a refusé.
Mais nous les femmes, il faut marcher
Pour faire trotter nos délégués
Au moment où la direction de la FN rejette toute
augmentation autre que celles prévues dans l’accord national, soit 50 centimes,
les femmes ajoutent deux couplets à leur chanson : « La direction a proposé
cinquante centimes aux délégués mais nous les femmes, on a refusé. On ne
demande pas la charité. Le travail, c’est la santé, pour ça faut être augmenté,
les centimes, c’est pas assez pour se faire crever. »
Charlotte Hauglustaine fut faite Officier du Mérite wallon,
à titre posthume, en 2012. Charlotte avait commencé à travailler dès l’âge de
14 ans dans l’industrie textile verviétoise. En 1964 elle commence à travailler
à la FN.  En 1966 , en raison de son
passé syndical et malgré le fait qu’elle n’y travaille que depuis deux ans, les
ouvrières choisissent Charlotte Hauglustaine comme présidente du comité des
grévistes.

En 1957, un témoignage de Rita Jeusette est une des 27 témoignages
choisis pour une toute grosse exposition ( budget 5 millions d’euros !) « 
50 ans d’aventure européenne ». Elle n’a pas perdu sa combattivité. A l’occasion
de cette grande messe européenne elle parle contre l’Europe « par les riches et
pour les riches ».

Sources

http://www.sonuma.be/archive/la-greve-des-femmes-de-la-fn
Rencontre avec Charlotte Hauglustaine, figure légendaire de ce mouvement, à
l’occasion du 40ème anniversaire de cette grève.
http://www.ebu.ch/CMSimages/en/RTBF_Women%20in%20Anger_scriptFR_tcm6-48854.pdf
La grève des femmes de la Fabrique Nationale Herstal 1966. Documentaire produit
par la RTBF dans le cadre d’une série télévisée européenne sur les mouvements
sociaux et politiques qui ont marqué l’histoire récente des pays d’Europe. Vous
pouvez lire le script du film « l’Europe des luttes – femmes en colère
» 
 de Philippe Delporte sur http://www.ebu.ch/CMSimages/en/RTBF_Women%20in%20Anger_scriptFR_tcm6-48854.pdf
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1977_num_16_1_1173_t1_0101_0000_2
Danielle Gramme, Deux grèves de femmes à la Fabrique Nationale : 1966, 1974, ou
le long cheminement d’une revendication, Mémoire de licence en sociologie, UCL,
1976
http://www.carhop.be/art14.pdf  le récit de Marie-Thérèse Coenen La grève des
femmes de la FN en 1966 De Boeck Supérieur, 1991 – 215 pages
photos
dossier
http://www.nieuwsblad.be/Article/Detail.aspx?articleID=gidag58i « Caissières in een grootwarenhuis zijn er niet beter aan toe dan wij destijds.
Ze worden onderbetaald en geminacht. Na meer dan veertig jaar werken heb ik 800
euro pensioen. Daarvan gaat de helft naar de huur van dit schamele huisje. Ik
heb de premier al meermaals geschreven dat het een schande is hoe ik, en vele
anderen die hun leven lang gezwoegd hebben, moet overleven. Ik mag dan wel oud
zijn, ik ben nog niet moegestreden. » (lacht) « 
Voir aussi mon historique de la FN Herstal