76ième balade santé MPLP Herstal: Droixhe, son passé et son avenir.
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photo Ville Liège |
Notre balade santé de juin 2023 de Médecine pour le Peuple Herstal a fait le tour de Droixhe, avec ce qui reste
d’une cité-modèle, mais aussi ses nouvelles halles des foires, son dépôt de
tram, son parking P + R de 750 places, son pôle agroalimentaire avec son hub
circuit-court et son nouveau boulevard urbain sur deux kilomètres d’autoroute,
voire un Ravel le long de la Meuse.
Droixhe, une cité modèle
Droixhe a servi de plaine de manœuvres pour
l’armée et ensuite de lieu de loisirs pour l’Exposition Internationale de 1930.
Après la guerre les cinq buildings de 21 étages et les deux barres d’immeubles du
square Micha, dans un parc arboré autour d’un étang, attirèrent de nombreux
habitants, heureux de pouvoir vivre dans toute cette modernité.
Droixhe constituait, en Belgique, le plus bel
exemple de la pensée moderniste des CIAM (congrès internationaux d’architecture
moderne), avec la Rive Gauche d’Anvers. Alors que le logement privé de l’époque
n’ offrait que 7% de salles de bains, Droixhe en avait 100%. Et, contrairement
aux apparences, 75% des 18 hectares était non bâtie.
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photo sonuma |
En 1958, année de l’inauguration, habiter à
Droixhe est un privilège. Ca le demeure jusqu’à la fin des années 1970. En 1962
il y a une diversité socio-professionnelle : ouvriers du secteur privé : 19,3%,
ouvriers du secteur public : 5,4 %, ouvriers pensionnés : 6,2%, employés du
secteur privé : 36,8%, employés du secteur public : 19,5%, employés pensionnés:
10,6%, professions libérales: 2,2%.
De cette cité modèle il reste les six
immeubles le long de la Meuse rénovés en 2004. C’est par là que commence notre
balade.
La tragédie de Droixhe
La tragédie de Droixhe commence en 1995 quand
le bureau d’études français PROJENOR subdivise le quartier en différents
secteurs ‘à rénover selon des stratégies
différenciés’.
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plan initial (GAR école architecture) |
En 1999 a Région wallonne constitue la société
coopérative Atlas, avec un conseil d’administration composé à la
proportionnelle des groupes politiques à la ville : PS, PSC, PRL et Écolo. Atlas
hérite d’une dette de 8,9 millions d’euros. Le remboursement des tours avait
été étalé sur 70 ans. Le dernier remboursement est pour 2037.
Atlas va chercher le consultant Roland CASTRO qui
propose de « dédensifier par
écrêtage». En 2001 Jean-Maurice
Dehousse confirme le budget de 2,1 milliards pour le projet Castro-Droixhe.
L’année après, la Société wallonne du logement rend un avis négatif, mais les
conseils (chers) de CASTRO ont servi de
prétexte pour raser 256 logements!
Ensuite le ministre wallon du Logement Michel
Daerden visite à Bordeaux un projet visant à raser les bâtiments ‘ghettos’.
Dans la foulée de cette visite, son chef cab Alain Rosenoer, Directeur général
de la Société wallonne du Logement, note qu’en Wallonie, nous manquons
cruellement d’une culture de partenariat privé-public: «à Bordeaux, la rénovation d’une ancienne zone portuaire se traduit en
un tiers de logements acquisitifs, un tiers d’investissement et un tiers de
logement social ».
En 2004 les six immeubles le long de la Meuse sont
rénovés. On lance un appel à projet européen en 2008, puis un second en 2010, dans
cet esprit partenariat privé-public. «L’idée
était de confier la restauration des tours au secteur privé, explique Maggy
Yerna, déjà échevine du logement à cette époque. Des promoteurs se sont montrés
intéressés, mais ils n’ont pas trouvé de financement. Après 4 ans d’échec, la
démolition des tours est une option qu’on ne peut plus exclure » (Le Soir
9/11/2012).
Toujours selon Yerna : » il était prévu de vendre 50% des appartements de Lille 2 (la
grande tour du Match) et de Lille 4, nous avons fait le choix de concentrer nos
efforts sur un seul immeuble et de rénover complètement Lille 2, en mettant en
vente Lille 4. L’immeuble du 4 avenue de Lille est à vendre pour 70 000 euros
par appartement. L’acheteur privé pourra y faire des appartements à louer, des
appartements à vendre ou bien démolir pour reconstruire autre chose. Cet immeuble
a été construit à Droixhe en 1958. Il devait être remboursé en 66 ans. Faites
le compte : la Ville doit encore payer pendant neuf ans les traites de ce
building qu’elle a décidé de vendre ».
Ce nº4 de l’avenue de Lille est vendu en 2020
à la société Panoramix et disparait donc du parc de logements sociaux.
Les 108 logements avenue de Nancy, construits
en 2018 par la Maison Liégeoise, sont « à
loyer équilibré ». Ils sont encore comptés comme logements publics, un
terme qui doit faire oublier le terme ‘logement social’. En fait, loyer
équilibré= prix du marché ; une meilleure mixité sociale = accessible seulement
aux revenus moyens.
Le premier nouveau bâtiment à être sorti de
terre dès 2016 dans l’avenue de la Croix-Rouge est la Maison de repos La
Plaine, géré par l’intercommunale ISOSL. Ces 108 lits ne remplacent que des
lits MRS supprimés ailleurs ; le marché des MRS est cadenassé.
Sur l’ancien square Micha, le groupe
immobilier Ghelamco va construire 300 logements ; une tour de 15 étages «comme un signal à l’endroit où Bressoux et
Droixhe se rejoignent », explique l’ architecte (Lm 13/2/2023).
Une salle des fêtes, un parc et une église Saints Pierre et
Paul
Les urbanistes du groupe EGAU avaient prévu
dès le départ une salle des fêtes à Droixhe. Elle est
toujours là : c’est
l’Espace Georges Truffaut. La Paroisse
Saints Pierre et Paul est née avec la cité, en 1959. Quant à une église à
l’architecture adaptée à son milieu, il a fallu attendre 1972. Construite sur
les plans de l’architecte Mozin, l’église s’intègre en contraste dimensionnel
avec les buildings qui l’environnent. Composée de verre et de béton, elle a un
grand toit plissé soutenu aux quatre coins par des gros piliers et le long des
façades latérales par des supports en béton en forme de V. Les surfaces vitrées
sont très importantes. L’église a été pensée pour pouvoir accueillir des
fidèles de diverses confessions mais aussi des événements culturels tels que
des concerts, des lectures… dans le but de répondre à la baisse de fréquentation
des églises et de s’intégrer au mieux dans ce nouveau quartier multiculturel Le
sous-sol est occupé par une salle polyvalente. Au rez-de-chaussée une chapelle
de semaine accueille les plus petits offices. La façade nord entièrement vitrée
donne un plan d’eau aujourd’hui vidé.
Dans un courrier adressé à « Monseigneur,
Messieurs les Échevins, Monsieur l’Abbé », rédigé par J. Mozin, « âme d’une cité neuve aux lignes hardies,
la Maison de Dieu devait être résolument contemporaine, réalisée avec le matériau
du xxe siècle, le béton armé. Rappelant
la forme d’une tente, la toiture en voiles plissés minces en béton autoportant
est supportée par des béquilles en béton armé qui en figureraient les cordages ».
Ces colonnes-béquilles en béton armé se
retrouvent également à la base des tours résidentielles.
Droixhe a aussi son parc que le projet
Interreg Euregio Meuse-Rhin «Autour de l’Etang» vise à requalifier. En 2018, le
projet N-power a bénéficié d’un budget de 188.000 €. Il y a même eu des ateliers participatifs. On
a voulu « éclaircir les allées du
parc en y privilégiant des essences basses et colorées afin d’en augmenter la
luminosité, la convivialité et le sentiment de sécurité. Des tables de pique-nique
et un grand banc le long de l’étang sont censés être propices aux activités
collectives, et à la convivialité du quartier. Le jet d’eau, hors d’usage
depuis longtemps, figure tel le flambeau de ce nouvel espace de vie sociale et
de détente ».
A côté de La Plaine on a reconstruit en 2021
l’école Léona Platel pour enfants infirmes, moteurs et cérébraux, qui était
auparavant dans le parc Astrid à Coronmeuse.
Noshaq veut créer un campus à Droixhe
Voilà ce qui reste de cette cité-modèle des
années 50. L’arrivée du tram et le déménagement des Halles des Foires changera
la donne pour le zoning très délabré de Droixhe. Nous ne saurions en faire le
tour cette fois-ci, même si les grands projets foisonnent. Pour le fonds
d’investissement Noshaq, « Droixhe
est un lieu central pour le développement économique. La Ville va rénover tout
le boulevard urbain, ça a du sens de nouveau d’y développer des projets. Il y aura
du divertissement, et notamment avec la salle de guindaille et la Halle des
Foires, mais Noshaq aimerait aussi y intégrer la communauté universitaire, des
entreprises, de la formation, du résidentiel, de l’événementiel… Noshaq pense à
un campus comme le Corda Campus de Hasselt » (La Meuse 8/9/2022).
Le tram et les Halles des Foires
Le Centre De Maintenance et de Remisage (CDMR)
du tram, le long de la ligne SNCB Bressoux-Maastricht, et la station terminus
du tram place Louis de Geer sera
opérationnel en 2024, si tout va bien.
Le
permis pour les nouvelles Halles des Foires de l’Igil (Intercommunale de
gestion immobilière liégeoise) remonte à 2020. La superficie couverte sera de
15 600 m², avec un parking exposants de 248 places et un parking visiteurs de
472 emplacements. L’inauguration est prévue au printemps 2024. Une esplanade
d’exposition permettra d’organiser des événements en extérieur. C’est l’œuvre
de l’architecte basque Francisco Mangado, en association avec le bureau
liégeois Greisch. Il est déjà l’auteur du palais des Congrès de Palma, le musée
des Beaux-Arts d’Oviedo ou le pavillon d’Espagne à Saragosse. La SPAQUE a
dépollué le terrain. Budget 33 millions dont
29,5 fonds Feder et le reste est à charge de l’intercommunale IGIL.
La requalification de la zone multimodale de
Bressoux s’inscrit dans le projet “Ville en transition” porté par la Ville de
Liège, dans la programmation Feder des fonds structurels 2014-2020 (La Dernière Heure 17/6/2021et La Meuse
16/6/2021). Il faut
que la dernière facture soit acquittée pour la fin décembre 2023, sinon on perd
les subsides européens.
Les 3 hectares du le site de l’ancienne
centrale électrique d’Engie Electrabel, qui a occupé les lieux pendant près de
cent ans, accueilleront le « Droixhe Business Parc ». Un projet de 10,5
millions d’euros porté par le promoteur Global Estate Group (LS 12/03/2020).
Une salle de guindailles
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maquette des guindailles= photo sudpresse |
Derrière, l’Assemblée Générale des Étudiants
Liégeois AGEL construit une salle de guindailles : 2.800 m² pouvant
accueillir 3.500 étudiants.Ca commence à prendre forme, après la démolition de
l’ancien entrepôt désaffecté que les étudiants occupaient depuis 2016. Ouf,
cela fait 20 ans que l’on en parle. On les a vus successivement s’installer au
Longdoz, à Saint-Léonard, au Sart Tilman et même sur le site de la Chimeuse à
Tilleur et finalement au Val Benoît. Coût du projet : 2.000.000 €. Le gros du
financement est pour la Ville qui louera via un bail emphytéotique.
Le marché matinal
Tout au bout du zoning, face à l’entrée Inbev,
le marché matinal vient d’inaugurer une nouvelle halle qui affiche déjà
complet. 750 personnes y travaillent. S’ajoutera très prochainement, en bordure
de marché, un hub destiné à accueillir toute l’activité circuit-court et
légumerie de la région liégeoise.
C’est là que les maraîchers et petites
producteurs locaux pourront y amener leur récolte, la nettoyer et la
conditionner. Il y a néanmoins une grande tâche d’ombre à ce tableau : on
essayé d’y déloger une asbl bien
dynamique, l’U3A (2800 étudiants, faut l’fer) parce qu’elle n’aurait pas sa
place dans le concept de pôle agroalimentaire.
Juste à côté, sur l’avenue de Jupille,
l’abattoir de Liège est dans des sales draps. On a fait miroiter une reprise par
un abattoir de Mouscron, suite aux difficultés du groupe Derwa qui en était le
principal utilisateur jusqu’en 2018.
Mais il est probable que cette activité disparaisse.
L’ancien bâtiment Chat Noir, puis KraftJS, à
l’angle des avenues Georges Truffaut et de Jupille, a été racheté en 2020 par
le promoteur bruxellois CNL. Il compte y
proposer des espaces de bureaux et récréatifs. Il a déjà le permis d’urbanisme.
AB Inbev ne reste pas inactif
Tout au bout du zoning, AB Inbev accueille une
des cinq plus grandes brasseries mondiales du groupe. Le promoteur liégeois Christophe Nihon y
réhabilite la Tour Piedboeuf, rue de Visé. 109 lofts et appartements, ainsi que
2000 m² de bureaux et petits commerces de proximité. Fin prévue pour 2025 : un
investissement de 40 millions. Comme charge urbanistique la Ville demande le
réaménagement de la place et de la rue Gît-le-Coq et la mise en valeur de la
Pierre de Justice comme élément patrimonial ( La Dernière Heure 23/7/2022).
On y fait miroiter aussi un musée de la bière.
La Ville a lancé la rénovation des escaliers du Thier du Bac, axe piéton
historique, de la place Gît-le-Coq à la rue de Visé, « un cheminement de type rampe accessible aux cyclistes et aux
personnes à mobilité réduite, serpentant dans les talus et rejoignant chaque
palier jusqu’en bas des escaliers ». Ensuite, le terrain de foot du FC
Jupille, rue de Visé, sera lui aussi refait. Et la rue de Visé sera
complètement réaménagée comme prévu dans le plan triennal (La Meuse 23/7/2022).
Voilà donc une première idée du nouveau
Droixhe. Un nouveau Droixhe où le logement social a perdu pas mal de plumes. Et
où les nouvelles Halles des Foires devront se trouver une place, après des
années d’inactivité. On se fixe rendez-vous pour une autre balade-santé, d’ici
quelques années, le long du nouveau Ravel le long de la Meuse, pour une
évaluation du projet “Ville en transition” ?
Voici le lien vers mon blog de 2014, qui
mériterait une mise à jour
http://hachhachhh.blogspot.com/2014/01/la-requalification-de-droixhe.html