Les fins de concessions charbonnières: une activité lucrative
En octobre 2020 PTB Ourthe-Amblève organisait un rallye des grosses
fortunes. Ils sont passés près dudu Château de Florzé,
propriété du holding « Entreprises et Chemins de fer en Chine » de la famille
Paquot-Nagelmackers. Ce holding a fait 8 millions d’euros de bénéfices en 2019
et à payé des impôts à hauteur de… 750 euros. Ce même holding « chemins de fer
de Chine » est à l’initiative à Herstal, Oupeye pour clôturer la concession
minière Abhooz-Bonne Foi-Hareng. Pour cela ils font des investissements
importants de sécurisation d’anciens puits. On ne saurait que deviner les
profits qu’ils espèrent en retirer…
famille Paquot
a encore d’autres participations. Sa fortune est évaluée à € 317 millions
d’euros. Je n’ai pas été voir pour Nagelmackers. C’est une construction
financière compliqué. «Entreprises et Chemins de Fer de Chine» détient 65% de
Surongo qui contrôle à son tour avec 53% la Compagnie mobilière et foncière du
Bois Sauvage. C’est un des derniers holdings familiaux belges. Son siège est rue
du Bois Sauvage, derrière la cathédrale Saint-Michel à Bruxelles.
La procédure
de fin de concession
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puits d’air de Milmort restauiré |
Essayons de voir un peu quel pourrait être l’intérêt de ce
holding à lancer une opération de fin de concession pour Abhooz-Bonne-Foi
Hareng, à Oupeye et à Herstal. Après les fermetures, les sociétés qui détiennent
les concession charbonnières se mettent en liquidation. Contrairement aux autres
sociétés anonymes, les charbonnages ne sauraient pas arrêter leurs activités
avant d’avoir remis leur concession à l’Etat, même pas par une faillite. Et en
Wallonie ça prend du temps. Le système de concession remonte à la Révolution
française qui transfère la propriété du sous-sol à la nation. Leur exploitation
exige désormais une concession. Le code Napoléon de 1810 est repris par le
royaume Uni des Belgiques. Le gouvernement attribue à tout concessionnaire un
titre de propriété incommutable. L’idée à la base est que ces concessions ne
peuvent pas tomber en désuétude. Un siècle plus tard les lois coordonnées du 15
septembre 1919 reprécisent les bases de la propriété minière en Belgique : la
concession crée la propriété à perpétuité, et les mines ne pourront être vendues
sans une autorisation du gouvernement. Selon l’article 40, l’exploitation d’une
mine n’est pas un commerce ; donc une société minière peut être en liquidation,
mais jamais en faillite. En cas de liquidation, celle-ci ne peut être clôturée
avant que la concession n’ait été cédée Le fonds des dommages miniers Après les
fermetures des charbonnages, ces sociétés en liquidation vendent à la petite
louche ce qui est le plus facile (les terrains +- libres et les maisons). Ces
entreprises en liquidation détiennent aussi un fonds pour les dommages miniers.
En 1939 un Fonds national de Garantie pour la Réparation des Dégâts houillers
est créé suite à la catastrophe de
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puits d’air restauré en face de la Cité Wauters en Basse Campagne |
Gosselies de 1935 : les dégâts étaient tels
que le charbonnage s’était retrouvé insolvable et que l’Etat fut obligé
d’intervenir. Les concessionnaires de mines de houille ont alimenté ce fonds au
prorata de leur production. Leur versement à ce fonds restait inscrit à leur nom
(Fonds A). Une petite partie qui allait dans un « pot commun » (Fonds B). Le fonds
A gérait fin 1989 2.4 milliards de BEF (De Tijd 31/7/1990). Avec le règlement
définitif des dommages miniers les parts Fonds A devraient revenir aux
concessionnaires. Petit à petit la gestion de ces sociétés en liquidation a été
centralisée dans quelques sociétés que l’on pourrait appeler fantômes, s’il n’y
avait une stratégie derrière. Ces concessions ont été régionalisées. En 1997 DI
RUPO fixe des provisions pour la réparation de dégâts houillers, suite à la
dissolution du Fonds National de Garantie pour la Réparation des Dégâts
Houillers en 1994. Les sommes sont placées, auprès de l’institution financière
de droit belge désignée par le concessionnaire, les intérêts de ces placements
sont capitalisés. Ce Fonds est probablement un des arguments qui ont motivé Guy
Paquot, de la Compagnie du Bois sauvage, liquidateur de nombreuses mines, à
demander en 2006 leur retrait : «Investir dans le sous-sol minier ? Aucun nouvel
investisseur ne s’engagera tant que les concessions ne sont pas retirées par les
pouvoirs publics. Contrairement à la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas, où les
législations prévoyaient une responsabilité de 2 à 5 ans en cas de dégâts suite
à une exploitation, la responsabilité des sociétés minières est illimitée en
Wallonie » (Le Soir 23/09/2006). M. Paquot ne verra pas l’aboutissement de son
vivant : il est décédé en 2019. Le retrait des concessions prend du temps,
malgré le fait que la DGO le définit comme une ‘priorité opérationnelle’ en
2010, et définit même un plan triennal sur base entre autres de l’état de
sécurisation des concessions. Le moulin de la DGO3 moud lentement. Fin 2018 on
avait « déjà retiré 146 concessions sur les 230 qui existent en Wallonie. A
priori, ce travail devrait se terminer en 2030″ (L’Echo, 12 déc. 2018). Je
suppose que c’est cette lenteur qui a motivé Bois Sauvage à prendre l’initiative
elle-même d’une procédure de fin de concession.
La sécurisation des puits
d’Abhooz
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puits noppis chemin Basse Va Hauts Sarts |
A Oupeye et à Herstal on se demandait, fin 2019, qui payait ces travaux
quand même assez conséquents de sécurisation d’anciens puits dont certains
avaient été abandonnés il y a plus d’un siècle et demi. On commencerait enfin à
se tracasser pour notre sécurité? En effet, ces anciens puits ne sont pas un
danger imaginaire. L’effondrement le plus spectaculaire s’est produit en 2012,
rue Cockroux, à Oupeye. En 1974 le propriétaire avait construit une annexe
au-dessus du puits d’aérage dit «Pieter», et il avait envoyé ses eaux usées et
l’eau de pluie dans ce puits. Quarante ans plus tard l’habitation a dû être
évacuée sur arrêté du bourgmestre, avec sécurisation d’urgence pour empêcher
l’extension de l’effondrement. Il a fallu remblayer en urgence le puits avec 200
m³ de béton. Ce puits « Pieter» appartenait à la houillère Biquet-Gorée qui
avait arrêté l’exploitation en 1919. L’administration avait ordonné la mise en
sécurité des 2 puits comme condition d’abandon, avec remblayage des 2 puits. Le
propriétaire a eu de la chance : en 1920, la concession avait été déclarée
‘déchue’, mais, malgré cette déchéance, en l’absence de concessionnaire, les
frais ont été pris en charge par les SPW et imputés au budget DGO3. A la même
époque il y a eu un effondrement similaire rue du Fort. J’ai des photos, mais je
n’ai pas réussi à localiser l’endroit. Voilà donc la main invisible qui
restaure, en 2019, avec des bulldozers et betonneuses et tout ce qu’il faut, un
puits dans une prairie, à gauche de la rue Wérihet, en montant vers le pont.
Idem pour le puits 2b du Riz sur Xhorre Noppis, près de la rue de l’Abbaye et le
zoning des
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puits restauré à gauche en montant le Thier d’Oupeye |
Hauts Sarts. La sécurisation du puits 10 dont Bon Espoir et Bons Amis
a demandé le fonçage en 1821 est en cours Rue Destrée, en plein milieu de la
route. On vient d’ouvrir la route pour le sécuriser (50°42’20.53″N 5°38’35.62″E
). Idem pour un puits à gauche en montant sur le Thier d’Oupeye, et un autre en
face de la cité Wauters, en Basse Campagne, et 2 puits au nouveau siège de
Milmort. C’est donc le plus vieux holding familial qui est à la barre. Je ne
vois pas encore clair quels profits il peut en tirer. Sûrement encore une série
de terrains à vendre. Et puis quelques millions du fonds de garantie pour les
dégâts miniers. Et peut-être la concession en elle-même est monnayable. En
Hainaut le cimentier Holcim a racheté ainsi une concession. Et à Marcinelle des
mystérieux avis sont placardés aux alentours de l’ancien charbonnage « Cerisier
». En fait, la société Gazonor n’a pas encore fait sa demande de permis
d’exploitation, mais ça ne saurait tarder. Trois sites sont concernés : à
Marcinelle, à Couillet et à Marchienne-au-Pont. Et l’extraction du gaz minier se
fait déjà à Anderlues, depuis avril 2018. Yann Fouant, chez Gazonor, explique :
« notre mission est aussi de sécuriser les lieux puisque le gaz s’accumule et la
pression augmente. Cela peut être dangereux. A Marcinelle, la pression est
supérieure à 2 bars. Et le gaz rejeté actuellement dans l’air contient 95 % de
méthane… » L’extraction et
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restauration puits rue Destrée photo Elisabeth Slegers |
l’exploitation du gaz accumulé dans les anciennes
galeries minières contiennent donc un aspect sécuritaire, environnemental, mais
aussi économique. Voilà donc quelques enjeux d’une procédure de fin de
concession. Je n’ai pas l’impression que les communes concernées (Oupeye,
Herstal et Wandre) sont impliquées. Or que ça valait la peine de sensibiliser la
population pour signaler d’éventuels puits non sécurisés. Et il y a aussi
l’aspect patrimonial. PS Les bornes ou dalles de puits sont protégées par un
arrêté royal (AR du 10/12/1910, modifié par celui du 01/05/1929 et confirmé par
un avis du 1/10/1935 du Conseil des mines). Cette dalle doit rester visible et
accessible : « il y a en l’espère une servitude légale d’intérêt public à
laquelle il ne peut se soustraire ».